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THAÏLANDE
RAID THAÏ - Le Royaume originel
Un seul voyage à moto dans le mythique Triangle d'Or, au nord de la Thaïlande et... vous aurez l'irrépressible envie d'y revenir, encore et encore.
AVANT-PROPOS
Le pays du sourire... sauf quand [...]
L'ancien Royaume de Siam n'a jamais été colonisé par une puissance étrangère, ce qui explique sans doute l'extraordinaire richesse culturelle du pays et la très forte identité nationale de ses habitants.
Empreint de religiosité, de calme, de pudeur et de dignité, de gentillesse et de générosité, le peuple thaïlandais saura cependant réprimer sévèrement quiconque critiquera ouvertement la famille Royale, « élue de Dieu » et ne respectera pas les sculptures des divinités, bien abritées dans les innombrables temples et lieux de prière du pays ou érigées en pleine nature.
Ainsi, comme on peut le lire clairement sur un gigantesque panneau d'affichage de près de 30 mètres de longueur et 10 mètres de hauteur placé tout juste à la sortie de l'aéroport de Bangkok : il est strictement interdit de se faire tatouer une représentation de Bouddha sur le corps sous peine de prison. Vous voilà prévenu(e) ! Et si en plus vous poussez le vice jusqu'à déambuler, un pétard à l'oreille dans le Triangle d'Or en pensant naïvement que c'est la Mecque du chichon, vous n'aurez alors que peu de chance de revoir un jour la lumière.
Le pays où il fait chaud... sauf dans « ch'nord »
C'est là mon troisième voyage à moto en Thaïlande. Quel contraste avec la France !
À peine plus petite que l'hexagone pour une population pourtant légèrement supérieure, frontalière du Cambodge, du Laos, du Myanmar (ex-Birmanie) et de la Malaisie, la Thaïlande est ouverte sur la mer de Chine et sur celle d'Andaman.
Des plages paradisiaques de Phuket au sud du pays aux denses forêts primaires des environs de Chiang Mai, tout au nord, de Bangkok la bruyante mégalopole aux rives du majestueux Mékong, la Thaïlande offre à ses visiteurs une incroyable diversité d'ambiances et de paysages.
Le décor est planté et moi, j'ai fait mon choix.
Après un « stop and go » à Bangkok, je mènerai cette fois encore ma petite troupe de motards dans « ch'nord », là où les terres fertiles gorgées d'eau, les forêts de teck, d'eucalyptus et de bambou impénétrables, les montagnes escarpées se couvrent d'un brouillard épais et frigorifiant tôt le matin et où la chaleur devient suffocante le reste de la journée, jusqu'au soir. Dans les montagnes du nord, le contraste des températures entre le jour et la nuit est souvent saisissant.
Le paradis du tout-terrain... pour combien de temps encore ?
La région nord de la Thaïlande, dominée par le Doi Inthanon - plus haut sommet du pays qui culmine à 2 565 mètres - est l’un des derniers endroits au monde à réunir encore tous les ingrédients pour réussir à coup sûr la recette d'un raid aventure : un relief escarpé, une jungle épaisse, une faune et une flore riches et déconcertantes, d'innombrables sentiers défoncés et tout autant de pistes ravinées, la possibilité de louer des motos récentes et de trouver partout de l'essence, une cuisine raffinée et des hébergements certes modestes mais à des prix souvent dérisoires.
Malheureusement, les zones boisées qui recouvraient jadis plus de la moitié de la surface du territoire ne représentent aujourd’hui plus qu’un quart de la superficie du pays. Je constate d'année en année (Mon premier voyage en Thaïlande date de 2008) l'accélération de la surexploitation des forêts de teck, du défrichement intensif d'immenses parcelles de bois au profit de cultures vivrières, du développement rapide du réseau routier au détriment des chemins ancestraux. Et ça, ce n'est pas réjouissant.
PARIS-BANGKOK
Voyage vers le futur...
… Ou comment être propulsé en 2560 en une douzaine d'heures de vol seulement !?
Le temps, en Thaïlande, est régi par le calendrier bouddhiste. Il faut donc ajouter 543 années à notre bon vieux calendrier grégorien pour arriver à se « caler » correctement sur celui du pays. Pas de panique ! Dans les faits, nous subissons juste 6 heures de décalage horaire avec Paris en hiver, et 5 heures en été. Ouf ! Quand il est 12h00 à Paris, il est donc 17h00 en été et 18h00 en hiver en Thaïlande.
Durant notre raid, nous assisterons aux festivités qui entourent le passage à la nouvelle année. Elles étaient colorées et bruyantes.
Pagaille à Mumbai
Au départ de Paris en ce mois de janvier, il fais drôlement frisquet (-5°C). Le sol est gelé, c'est une vraie patinoire. À notre atterrissage à Bangkok, le thermomètre dépassera allègrement les 35°C.
Mais avant d'arriver à Bangkok, il y a eu cette escale à Mumbai (Bombay), mémorable. Dans la zone de transfert de l'aéroport, nous avons été à la fois témoins et acteurs malheureux d'une situation bien cocasse qui se répétera d'ailleurs de manière identique et au même endroit lors de notre retour en France une quinzaine de jours plus tard. Jugez plutôt.
À notre descente de l'avion qui, depuis Paris nous a « transbahutés » jusqu'ici, je constate tout de suite en consultant le tableau d'affichage des correspondances que celui qui doit nous mener jusqu'à Bangkok est juste là, tout près. Je me dis que c'est très bien car nous n'avons que peu de temps pour effectuer les formalités de transfert... Oui mais c'est sans compter qu'à Mumbai, un contrôle douanier obligatoire est prévu pour tous les voyageurs en transit, à l'autre bout de l'aéroport ! C'est donc au pas de course et déjà encombrés de nos chauds vêtements d'hiver que nous nous rendons là-bas, tout à l'extrémité de cet interminable couloir moquetté. Et tout ça pour faire le chemin inverse une fois le contrôle passé. C'est rageant.
Nous nous présentons aux guichets où chacun doit fournir sa carte d'embarquement et bien sûr son passeport afin de pouvoir obtenir... Une simple étiquette à fixer sur le bagage à main ?! Le Graal ! Bizarre. Au-delà de l'étroite porte de verre située à gauche des guichets et qui sera notre passage obligé, on devine qu'un nouveau contrôle au scanner des bagages et des voyageurs est prévu. Un de plus. Ceci expliquant cela, on peut voir qu'effectivement cette étiquette est un précieux sésame, car elle devra être tamponnée par le douanier. Pas d'étiquette... Pas de tampon. Pas de tampon... Pas bon du tout !
Au début, tout se passe à merveille, ou presque. Même si quelques « locaux », fidèles à leurs habitudes jouent un peu des coudes, les « étrangers » qui, comme nous viennent de pays souvent lointains semblent curieusement disciplinés et silencieux. Il est vrai qu'il est très tard. Dehors il fait nuit noire. Nous sommes tous bien fatigués.
Après, ça se complique. Un douanier indien armé d'un sifflet fait irruption dans la zone de contrôle et se met en tête de vouloir fluidifier le « trafic ». Aïe, ce n'était pas une bonne idée ! Associant les gestes à la parole, les coups de sifflet aux modifications impromptues et totalement incompréhensibles des files d'attente faites de piquets et de banderoles, il parvient en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire en langue indienne à semer une incroyable pagaille ! La perte de contrôle est totale. Se rendant compte qu'un bouchon se forme, il autorise bientôt arbitrairement et de façon autoritaire des « paquets » de voyageurs à passer directement à la « case scanner » sans passer par la « case étiquette ». Ceux qui veulent « en être » et qui se disent qu'après tout la fameuse étiquette n'est sans doute pas nécessaire se bousculent, rapidement les files d'attente se croisent, se délitent, des gens se mettent à quatre pattes pour se faufiler sous les barrières sensées gérer les flux pour grignoter quelque places. Voilà maintenant que certains sont refoulés par le douanier, prétextant qu'il ne les avait pas autorisés à faire partie des « paquets » de privilégiés... et qu'ils doivent aller chercher leur étiquette. Pris dans l'indescriptible cohue, des voyageurs se retrouvent derrière les guichets, à touche-touche avec les « donneurs d'étiquettes », face à nous ! Les esprits s'échauffent, c'est la foire d'empoigne ! Et à ce jeu, il faut bien reconnaître que les « locaux » prennent vite l'ascendant sur les « étrangers ». Question de culture.
Ouf ! L'étiquette, la porte vitrée, pour nous, ça, c'est fait. Reste le scanner.
Manteau, foulard, ceinture à boucle métallique, chaussures, sac, portable sorti de sa housse... Tout doit être déposé dans de minuscules bassines, sur le tapis. Portique, levé de bras, « poêle à frire »... Rien à déclarer... Coup de tampon sur l'étiquette... C'est bon ! Nous sommes passés.
Pour d'autres, ça ne passe pas. Mais alors pas du tout. Bon à savoir : Les bouteilles, les parfums, les babioles achetées dans les duty-free d'autres aéroports ne sont pas autorisés ici à Mumbai. La raison est toute bête. Il faut faire marcher le commerce indien et dépenser son argent... Dans le duty free de l'aéroport de Mumbai.
Un groupe de passagers russes déjà bien imbibés des alcools servis dans notre premier vol en fait les frais. Ils doivent vider intégralement dans une gigantesque poubelle leurs bouteilles de whisky achetées sans doute à prix d'or à Paris. Ils ne sont pas contents du tout. L'un d'eux parvient à boire en cachette presque la moitié de sa bouteille avant de jeter le reste, énervé. Un autre, qui avait dissimulé son litron dans sa petite valise s'est fait prendre également. Il balance sa valise au sol pour l'ouvrir. Pas besoin. En touchant la moquette pourtant épaisse elle s'ouvre toute seule. Elle explose littéralement, projetant à plusieurs mètres son contenu. Brosse à dent, slips, cigarettes... tout est éparpillé. Le douanier, impassible, attend.
Nous n'avons malheureusement pas le loisir d'assister plus longtemps à la scène. Il nous faut maintenant presque courir pour aller embarquer sur notre second vol. Dommage. C'était bien sympa à regarder, tout ce bazar. Nous n'oublierons jamais notre escale à Mumbai, c'est certain.
Bangkok la trépidante
À notre arrivée à Bangkok, tôt le matin, nous sommes immédiatement accablés par la chaleur. Déjà trempés de sueur, nous nous mettons en quête d'un taxi de grande capacité pour pouvoir y entasser nos cinq carcasses et nos gros sacs de voyage. Le système de tickets numérotés mis en place ici n'est pas du tout adapté aux petits groupes. Comme tous les autres voyageurs, nous avons les yeux rivés sur le panneau d'affichage qui, lentement égraine les numéros appelés. 567, 568... 592, 593... Après une longue attente, le notre s'affiche enfin : le 597. Un taxi nous est attribué. Nous nous rendons compte immédiatement qu'il est bien trop petit. Il ne peut accueillir confortablement que trois passagers et pas davantage de valises. Ce n'est vraiment pas de chance, car si nous avions pris le ticket précédent, ou le suivant, peut-être aurions-nous pu bénéficier d'un véhicule suffisamment grand, comme on peut en voir dans l'alignement des dizaines de taxis en attente. À ce moment là nous nous disons que nous allons devoir procéder différemment, car il n'est pas question que nous jouions à nouveau à cette loterie.
De manière inavouable, nous parvenons enfin à trouver un véhicule adapté. Une négociation sur le coût de la course s'engage... C'est bon, le prix est fixé et le compteur sera éteint. L'aéroport international où nous nous trouvons étant implanté à l'est de Bangkok, nous allons passer près de deux heures dans ce taxi pour rejoindre notre hôtel, situé lui sur la rive droite du fleuve Chao Phraya, à deux pas du centre-ville. Notre chauffeur, connecté en permanence à son smartphone, semble l'être tout autant avec les Dieux et les « esprits ». Le tableau de bord de sa Toyota est bardé de statuettes divines et de « grigris » informes. Nous parvenons à échanger quelques mots avec lui, en anglais. Il est vraiment sympa. Tellement sympa que nous convenons de faire appel à lui pour, demain nous rendre à l'autre aéroport de Bangkok, situé au nord de la ville celui-là, pour prendre notre vol pour Chiang Mai.
Bangkok est une ville grouillante de vie mais, paradoxalement, on peut observer que les piétons se croisent sans se presser ni se bousculer sur les trottoirs encombrés et que les conducteurs n'usent pour ainsi dire jamais du klaxon de leur véhicule à deux ou quatre roues pour se frayer un chemin dans la circulation, extrêmement dense. Finalement, c'est bien le trafic fluvial sur le fleuve Chao Phraya qui est le plus bruyant. Les barges gigantesques tractées par de poussifs remorqueurs, les navettes en bois de teck des hôtels qui ont « les pieds dans l'eau », les River Express boats et Tourist boats qui sans cesse montent et descendent la rivière et la nuit les bateaux-discothèques illuminés font le spectacle. Mais ce sont surtout les Long-tail boats (bateaux « longue queue ») qui attirent le plus l'attention et qui agressent les tympans. Ces embarcations colorées et qui filent à toute allure sont appelées ainsi à cause de l'arbre de transmission démesuré qui relie leur moteur – souvent énorme et à échappement libre – à l'hélice.
Check-in
Il est environ 9h30 lorsque nous nous présentons à la réception de notre hôtel. Nos chambres ne sont pas encore disponibles et nous sommes contraints d'aller siffler un premier verre pour nous rafraîchir. Vers 11h30 il nous est enfin possible d'en prendre possession. Que la douche est agréable par cette température.
Croisière sur le fleuve Chao Phraya
Peu après midi nous nous retrouvons tous à la réception où nous nous étions donné rendez-vous.
À deux pas de l'hôtel, nous prenons un premier bateau-bus pour uniquement traverser la rivière et nous rendre à Sathon Pier, sur la rive opposée, d'où partent bon nombre de River Express boats et Tourist boats. Nous devons presque enjamber un énorme porc noir asiatique pour atteindre le comptoir à tickets. Que fait-il ici ? Mystère.
Le River Express fumant sur lequel nous embarquons maintenant va nous mener tout près du Palais Royal, en amont, l'un des principaux temples de Bangkok. La balade sur le fleuve est superbe et la légère brise qui nous fouette le visage, rafraîchissante. Les arrêts s'enchaînent, les passagers vont et viennent. Monter ou descendre du River Express est assez acrobatique. Le fort clapot chahute l'embarcation qui, bien souvent dans les manœuvres frappe violemment les pneus qui protègent la jetée. C'est avec une grande dextérité, de grosses prises de risques et un soupçon d'inconscience que le matelot du bord parvient à chaque arrêt et en s'aidant de son sifflet à communiquer avec le pilote et à sécuriser le transfert des passagers en amarrant solidement le bateau. Mais pas de temps à perdre. À peine le dernier passager embarqué ou débarqué que d'un coup de sifflet à la tonalité différente le matelot indique au capitaine qu'il peut repartir. Impressionnant !
Nous débarquons à Tha Chang Pier. Il y a là un marché couvert et quelques restaurants offrant une belle vue sur le fleuve. L'un d'eux est climatisé... Parfait pour y déjeuner. Nous y dégusterons notre premier repas thaï. Quelle ambiance ici, quelles odeurs, quelle chaleur, et quel dépaysement, déjà !
La cuisine thaï étant réputée délicieuse et raffinée, nous commandons différents plats afin d'avoir dès à présent une idée large des saveurs proposées. Le riz et les légumes frits tout comme les nouilles frites (pad thai) constituent la base de l'alimentation. La plupart des plats sont traditionnellement assez épicés. Coriandre, curry, menthe, citronnelle, piment, safran, gingembre, sauces de poissons, de crustacés et de soja sont couramment utilisés pour les relever... Heureusement, dans les lieux touristiques comme ici autour des principaux temples de Bangkok le terme « maï phèt » qui signifie peu épicé figure sur la carte de tous les restaurants. Cela facilite grandement le choix.
À l'intersection de Na Phra Lan road et de Maha Rat road, au débouché du marché couvert, nous découvrons l'enceinte du Palais Royal. Des centaines de thaïlandaises et de thaïlandais, tous vêtus de noir sont agglutinés ici, silencieux, à l'entrée du temple. Le jeu de mots est facile : "c'est noir de monde" ! Ce n'est guère étonnant. Tous ces gens viennent se recueillir sur la dépouille du Roi Bhumibol Adulyadej, « demi-Dieu », intervenue le 13 octobre 2016 à l'âge de quatre-vingt huit ans, après soixante dix années de règne. Le Roi défunt repose dans la chapelle du Bouddha d 'Émeraude, emblème religieux et symbolique de la dynastie régnante. Le Prince Héritier Maha Vajiralongkorn, pas vraiment pressé de grimper sur le trône a décrété une année de deuil national, histoire de s'octroyer un temps de réflexion, laissant le peuple perplexe. La crémation du Roi, quant à elle, n'interviendra que dans... Quelques années !
Impossible donc de visiter le Palais Royal. Nous contournons l'enceinte et nous nous rendons au temple Wat Pho, juste à côté. Magnifique. C'est l'un des plus grands et des plus anciens temples bouddhistes de Thaïlande. On peut y admirer un monumental Bouddha couché de quarante trois mètres de longueur et de quinze mètres de hauteur. Ses pieds sont incrustés de nacre représentant tous les états de Bouddha. Ça cause ! Des fidèles viennent déposer sur de plus petites représentations divines de fines feuilles d'or achetées sur place. Le sol en est jonché. Le business des offrandes est florissant. Autre singularité du lieu : il est le berceau du massage traditionnel thaï – le vrai, pas l'autre... - et renferme une école dédiée à cet art.
Après cette instructive visite, nous décidons de monter dans un tuk-tuk afin de nous rendre au temple Wat Saket (Golden Mount) pour, depuis le sommet du monticule, pouvoir admirer le panorama sur la ville. Prendre un « touk touk », sorte de scooter bariolé à trois roues, équipé de banquettes en skaï aux couleurs flashies restera une expérience inoubliable. Entre départs sur les roues arrières « pour faire genre je suis un pilote » et slaloms entre les voitures et les bus, leurs conducteurs rivalisent de combines pour se faire remarquer et attirer le chaland. On attrape vite mal au cœur dans un tel engin, surtout qu'ouvert à tous les vents il contraint ses occupants à avaler de grandes bouffées de gaz d'échappements. Une tuerie ! La petite grimpette jusqu'au belvédère nous fera cracher nos poumons. Du coup, notre retour à l'hôtel en cette fin de journée se fera par le fleuve. L'air y est quand même plus respirable. Le soleil se couche. Il est 17h45.
BANGKOK-CHIANG MAI
Check-out
À 4h52 très précisément ce matin, j'étais déjà debout. Si l'on tient compte du décalage horaire (il n'était alors que 22h52 à Paris), on peut dire que mon horloge biologique était encore à ce moment là franchement déréglée. Profitant de ce réveil très matinal, j'ai débuté la rédaction de la première chronique du RAID THAÏ 2017. Elle relate notre voyage jusqu'ici.
Frais, reposés et après avoir englouti un copieux petit-déjeuner pris en terrasse au bord du fleuve Chao Phraya, nous nous rassemblons tous à la réception de l'hôtel vers 9h30 pour le check-out. Notre vol pour Chiang Mai est à 13h40. Il aura un peu de retard mais ça, nous ne l'apprendrons qu'une fois sur place à l'aéroport. Grrr !
Chiang Mai la paisible
Chiang Mai, deuxième plus grande ville de Thaïlande et pourtant presque cinquante fois moins peuplée que Bangkok est une ville très attachante. Son centre historique au contours décrivant un carré parfait regorge de ruelles ombragées et animées ainsi que de temples souvent cachés derrière de hauts murs. C'est la ville de départ et d'arrivée du RAID THAÏ. Je profite du fait que nous y soyons maintenant pour, tout naturellement, vous présenter ma petite troupe. Il y a là pour m'accompagner :
- Johan, un fort gaillard qui roule avec moi depuis un an environ,
- Luc, un "ami" Facebook récent,
- Bruno, très discret et que je connais depuis 2005,
- Gwendal, le petit nouveau, mari de la copine de la cousine de Claire, ma femme. Rien que ça !
À notre arrivée à Chiang Mai, c'est à nouveau l'anarchie pour trouver un taxi sur l'esplanade de l'aéroport. Décidément ! Nous faisons signe à l'un d'eux, qui passe juste devant nous et qui s'arrête cependant à plus de cent mètres. Curieux ?! Gwendal, avec ses petites jambes toutes musclées court vite négocier le prix de la course avec le chauffeur. L'affaire est conclue. Pour nous ce sera cent baths, la monnaie thaï, soit environ deux euros cinquante, bagages compris. La ruine !
C'est un taxi tout rouillé, où les passagers s'entassent avec tout leur barda dans une caisse métallique ouverte et flanquée de 2 banquettes en plastique qui se font front. Le chauffeur à côté duquel je prend place semble tout aussi rouillé que sa « boîte de conserve ». Il peine à bouger les membres, c'est sans doute ce qui explique le fait qu'il ait tardé à s'arrêter lorsque nous lui avons fait signe. Le petit bonhomme, un chapeau de paille troué vissé sur le crâne, tout avachi devant son volant afin de pouvoir atteindre les pédales doit se contorsionner pour actionner le klaxon de sa voiture, dont il semble friand. Le bouton-poussoir est bien planqué, sous le vide-poche. Pas pratique du tout.
Dès les premiers mètres parcourus, semblant inquiet il répète sans cesse : "hôtel, downtown, hôtel, downtown, hôtel, downtown...". Je m'aperçois vite qu'il ne connaît aucune adresse de Chiang Mai ! Il est seulement capable de mener ses clients dans la vieille ville, par chance cernée de remparts qui sont d'immanquables repères de l'architecture et de l'organisation de la cité. On se traîne, je décide de prendre les choses en main : "tournez à droite, mettez-vous sur la file de gauche, attention au piéton, le feu est vert... stop ! c'est là". Je constaterai en chemin qu'il gigote sont levier de vitesses en position de point-mort à chaque changement de rapport ?! Un vrai danger public... Au secours !
Petit moment de doute. L'hôtel que j'ai réservé sur Internet a changé de nom ?! C'est bien là. Check-in, petite douche express et zou ! Nous partons sans tarder chercher nos motos chez le loueur. Je le connais, il me connaît, nous nous connaissons.
Les Honda 250 CRF-L équipées de pneus mixtes paraissent soigneusement préparées, les formalités administratives sont rapidement effectuées. Nous entassons dans nos petits sacs à dos quelques pièces de rechange et une « brouettée » de chambres à air. C'est bon, on a tout, on peut y aller. Direction la « gazoline-station » pour faire le plein, puis... Retour chez le loueur ?! La batterie de la moto de Bruno est faible, elle sera immédiatement remplacée.
Cette fois c'est bien parti.
Nous prenons la direction du Rider's Corner Bar pour y boire un coup. Je connais bien l'endroit. Il s'agit de fêter ça ! Sur place je reconnais le patron, il me reconnaît, nous nous reconnaissons. Nous resterons un long moment ici, à regarder les vidéos de compétitions motos qui passent en boucles sur les écrans, dans un bruit d'enfer, juste au-dessus du bar. Au fond, plusieurs motos sont stationnées. Chouette ambiance !
Il fait déjà nuit lorsque nous rejoignons l'hôtel. La lampe frontale allumée sur la tête, nous improvisons une petite séance de mécanique afin de brancher nos GPS à la batterie de nos montures. Nouvelle petite douche, puis retour au Rider's Corner Restaurant cette fois pour le dîner.
Il est plus de 22h30 lorsque nous décidons de rentrer à l'hôtel par les petites ruelles du centre historique. Il fait bon, nous sommes bien, là. Détendus.
23h30, extinction des feux.
CHIANG MAI - MAE CHAEM (187 KM)
Divines ravines
Encore réveillé très tôt, à la fois par le chant du coq (?!), la chaleur, le ronronnement du climatiseur de la chambre d'à côté et l'excitation à l'idée de rouler à moto, je profite des trop longues heures qui me séparent de celle du top départ de la première étape du RAID THAÏ pour écrire quelques lignes et faire le tri de mes premières photographies. Courageux.
Une grosse, très grosse journée de roulage nous attend aujourd'hui. Et ça, nous sommes loin, très loin de nous en douter.
Il est 7h30 et nous sommes déjà grimpés sur les motos, prêts à bondir. Nos sacs de voyage sont solidement fixés sur les porte-bagages, la trace du jour est validée sur les GPS... Go ! Direction le sud-ouest.
Sortir de la ville de Chiang Mai est relativement aisé, même si le trafic de si bon matin est déjà dense et que nous devons être concentrés pour nos premiers tours de roues, la circulation se faisant à gauche de la chaussée en Thaïlande. Nous ne tardons pas à quitter les axes principaux au profit de petites routes bétonnées, puis les routes deviennent vite des pistes larges, puis se transforment presque aussi rapidement en pistes étroites, très étroites où nous enchaînons les grimpettes « de folie » et de sévères descentes dans de profondes ravines !
Le ton est donné. Johan, Luc, Bruno et Gwendal à qui j'avais promis quelques bonnes suées sont servis. Bien servis, même. Nous n'avons parcouru qu'une cinquantaine de kilomètres et déjà nous pompons allègrement l'eau de nos camel-bags. Il fait plus de 30°C à l'ombre des grands arbres.
Dans une montée complètement défoncée et vraiment ardue, pleine de cailloux et de marches, je fais tomber lourdement ma petite Honda. Ma mobilité sur la machine a été sérieusement mise à mal par le sac sanglé à l'arrière, interdisant presque tout déplacement du corps vers le bout de selle. De plus son poids à tendance à alléger exagérément l'avant de la machine, qui devient carrément « flou ». Luc vient poser sa moto sur la mienne, puis c'est au tour de Gwendal de venir compléter la « pyramide mécanique ». Pas facile dans ces conditions de démêler les brêlons, surtout que la côte est raide. Je m'aperçois que le guidon de ma moto est tordu. Zut ! À mi-pente, Johan observe la scène, hilare.
Bruno, plus bas encore, semble avoir un problème. Il vient de « cramer » son embrayage ! Ça sent le brûlé. Moment de stress. Cela fait plus de deux heures que, pour progresser, nous franchissons de profondes saignées et nous ne nous sentons pas d'attaque pour tirer-pousser la moto et revenir sur nos pas. Et devant, ce n'est pas mieux. Nous voyons au loin une nouvelle montée au relief très prononcé...
Reprenons notre souffle et... Réfléchissons. Nous commençons par vérifier la garde à la poignée d'embrayage. Elle est un poil insuffisante. Le défaut est corrigé. C'est peut-être ça qui a causé la panne. Déjà plus d'une demi-heure que nous sommes là, au fond de la jungle. L'huile moteur a eu le temps de refroidir et l'embrayage semble à nouveau répondre aux sollicitations de Bruno. Yes ! Nous nous sortons de ce mauvais pas en atteignant péniblement le sommet de la montagne et, plus loin, un petit restaurant de campagne salvateur pour nos estomacs vides.
Mais la moto de Bruno est bien mal en point tout de même. Il nous faudra aviser et sûrement faire changer l'embrayage demain matin, à Mae Chaem, notre ville étape... À moins que nous soyons obligés d'aller procéder à un échange de moto à Chiang Mai par la route ?! Ce ne serait pas cool. Nous verrons bien. Pour le moment... Roulons.
Mae Chaem, enfin, se profile à l'horizon. Il n'est heureusement pas encore 18h. Les commerces n'ont pas encore baissé leurs rideaux. J'en profite pour faire redresser mon guidon dans un garage local à l'aide d'un tube d'acier enfilé directement sur la poignée, jouant ainsi le rôle de levier de force. Impeccable !
J'avais repéré depuis la France plusieurs hôtels ici. Fatigués, nous nous « posons » dans le premier listé. Bien.
MAE CHAEM - MAE SARIANG (219 KM)
Et si on se faisait un joint...
Le hasard fait parfois bien les choses. Hier soir à l'hôtel, alors que nous cherchions une solution au problème d'embrayage sur la moto de Bruno, nous avons eu l'occasion de discuter avec le dirigeant de l'hôtel. Il se trouve qu'il est le fils du principal réparateur de deux-roues de Mae Chaem ! D'une extrême gentillesse et après s'être engagé à expertiser gratuitement dans un premier temps le brêlon malade, il nous a assuré également être en mesure de trouver les pièces « qui vont bien » pour le remettre d'aplomb. Génial ! Il nous restait juste à contacter notre loueur. C'est alors qu'il s'est proposé de lui téléphoner et d'organiser directement avec lui les modalités de la réparation de la machine, ici, sur place. Incroyable !
Nous avions rendez-vous ce matin à 7h30 devant le garage. À peine le rideau de l'établissement levé, le chef d'atelier se jette littéralement sur la moto de Bruno. Après un essai routier de quelques centaines de mètres seulement il est de retour. Le diagnostic est sans appel : embrayage HS. Le fils du patron est là aussi. Il échange quelques mots avec le chef d'atelier et, en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, monte dans son pick-up et disparaît. Il part chercher les pièces.
Le mécanicien entreprend immédiatement le démontage du carter après avoir vidangé la bête. Il est très précautionneux. Toutes les pièces, les vis, tous les ressorts, les disques abîmés sont soigneusement regroupés dans une boite.
Ensuite, nous assistons à une scène surréaliste. Le chef d'atelier va chercher dans son stock ce qui ressemble à grande feuille de papier cartonné, puis se dirige dans le bureau de la comptable pour lui chiper sa perforeuse à classeur et une paire de ciseaux avant de revenir à l'atelier. C'est alors qu'il entreprend – et l'opération durera plus d'une heure – la découpe d'un nouveau joint de carter, n'ayant pu sauver celui d'origine. Ça c'est balèze !
Les choses s'éternisant un peu, nous allons prendre un petit déjeuner dans un commerce du centre, au soleil, en terrasse.
Il est 9h30. La moto est en morceaux, le joint de remplacement est prêt. Les pièces arrivent. Tout s'accélère alors. C'est le moment de vérité. Méticuleusement, le mécanicien remonte la machine. Un dernier tour de vis, de l'huile, coup de démarreur, test routier... C'est réparé ! L'opération nous est facturée environ 60 euros, pièces et main-d’œuvre comprises ! Une misère. Nous laisserons un pourboire au courageux mécanicien, notre sauveur.
11h30. Il est presque (encore) l'heure de manger. Quelques centaines de mètres à motos et zou ! Ce restaurant fera l'affaire. Il y a à manger mais pas à boire ?! Pas grave. Le patron de l'établissement nous confie les clefs de son scooter et, vite fait, Johan et Luc partent acheter de la boisson au supermarché du coin.
C'est maintenant le début de l'après-midi et nous n'avons toujours pas commencé à rouler aujourd'hui. Il serait temps d'y aller, là... Alors en piste ! Nous décidons de réduire l'étape pour rattraper notre retard. Une petite route sinueuse nous permet d'atteindre le milieu de la trace du jour. Un vrai régal. 105 km de pistes resteront à parcourir une fois que le waypoint intermédiaire visé sera atteint.
Les paysages sont ici très variés, alternant plaines cultivées et montagnes recouvertes d'une végétation épaisse. Les habitants, peu habitués à observer des motards en pleine jungle nous saluent en faisant tantôt de grands gestes, tantôt en joignant leurs mains devant leur buste et en courbant légèrement la tête vers le sol. Serions-nous des Dieux ? À un passage pour piétons, un homme nous photographie même et semble tout surpris que nous laissions traverser un groupe d'écoliers et leur maîtresse. Il est vrai que même si ici les conducteurs de voitures et de deux-roues sont en général respectueux des autres usagers de la route, ils s'octroient parfois quelques libertés... Méfiance donc.
Je connais bien Mae Sariang. C'est donc sans difficulté que je guide le groupe vers un charmant hôtel en teck qui sera notre point de chute pour ce soir. Y pénétrer en chaussures est interdit. En chaussettes, c'est une vraie patinoire tant le sol est ciré. Et comme je connais aussi un restaurant bien sympathique dans le coin - celui dans lequel j'avais jadis commandé un Coca-Cola à emporter et que celui-ci m'avait été servi... Versé dans un sac plastique ! - le dîner et la soirée s'annonceront formidables.
MAE SARIANG - MAE SARIANG (boucle de 102 KM)
Run d'enfer sur la Salawin River
Petite mais superbe journée aujourd'hui. Pourtant, ce n'était pas gagné...
Par deux fois déjà dans le passé je suis parvenu à offrir à des copains motards la possibilité de remonter la rivière Salawin qui marque la frontière de la Thaïlande avec le Myanmar (ancienne Birmanie) à bord d'un long-tail boat et ce... Avec les motos ! J'en ai gardé de fabuleux souvenirs. C'était magique. Mais il suffira de tomber sur un douanier un peu trop zélé ou peureux pour que le projet tombe cette fois-ci à l'eau. Pas de chance.
Nous quittons Mae Sariang, non pas le cœur léger tant cette ville est charmante mais le porte-bagages léger. Puisque nous effectuerons une boucle pour cette troisième étape du RAID THAÏ, il nous est possible de laisser une bonne partie de notre paquetage à l'hôtel et de ne prévoir avec nous que l'essentiel, à savoir : de l'eau, les outils, quelques chambres à air et notre passeport.
Une petite route de montagne bien dégradée par les dernières pluies nous permet d'atteindre, après n'avoir parcouru qu'une cinquantaine de kilomètres, le village de Baan Mae Sam Laep. Son unique rue commerçante, serpentant d'abord à flanc de montagne se prolonge jusqu'au port, sur la rive gauche de la Salawin river. Quelques long-tail boats sont solidement amarrés aux gros blocs de rochers qui bordent les flots boueux du cours d'eau. Absents lors de mes deux premiers passages ici, des magasins flottants complètent le tableau.
Dès notre arrivée près de la jetée, je me dirige tout droit vers un jeune thaï aux dents rougies par la chique. Je le reconnais immédiatement. C'est lui qui autrefois nous avait fait naviguer. Il a dû prendre du galon car le vieil homme tout « cabossé » qui à l'époque était le « capitaine du port » et qui l'avait désigné comme étant celui qui devait nous faire naviguer a disparu. Mort, peut-être ? Place aux jeunes. Ce sera donc cet homme, notre interlocuteur.
Nous nous présentons tous deux devant le douanier en faction près d'une guérite délabrée afin de déterminer dans quelles conditions il nous sera possible d'embarquer avec nos motos pour rejoindre le village de Baan Tha Ta Fang, douze kilomètres en amont. Il n'a pas l'air commode le militaire... Il sera inflexible. Les bonhommes OUI, les motos NON ! Pourquoi ? Parce que. Rien n'y fait. Il ne reviendra pas sur sa décision et se retranche vite derrière ses papiers pour fuir notre regard.
Que faire ? Le jeune thaï promu « capitaine du port » m'indique alors qu'une piste nouvelle a été tracée. Elle mène jusqu'au village que nous visions.
Nous décidons de nous rendre à moto au village du nord, stationner les motos, prendre ensuite le bateau pour descendre par la rivière ici à Baan Mae Sam Laep, y déjeuner et faire le chemin inverse, toujours en bateau pour retourner à Baan Tha Ta Fang. Un peu compliqué tout ça mais ça vaut vraiment le coup. On se dit que ce sera l'occasion pour nous de « siester » à bord au retour tout en étant bercés par le clapot et... Le bruit assourdissant du moteur de notre embarcation ! Bon, la sieste, on oublie. Surtout que nous serons plutôt secoués dans la barcasse qui filera à vive allure...
La piste rejoignant les deux villages était magnifique, en surplomb de la rivière. Un sacré bon moment de roulage.
À contre-courant
Vers 13h nous retrouvons nos machines, en plein soleil et les selles rendues bouillantes tant il fait chaud. Mais nos motos vont avoir l'occasion de se rafraîchir, tout comme nous d'ailleurs. Dès la sortie du village, en effet, nous traversons un premier gué, puis un second, puis beaucoup d'autres encore... Nous allons remonter le torrent Mae Sakoep sur plus de vingt-cinq kilomètres. Chaud et physique ! Nous prenons un malin plaisir à créer de belles gerbes d'eau lors de la traversée de chacun d'eux. C'est l'unique moyen de « descendre en température ». Au final, ce sont plus de trente gués que nous allons franchir. Le courant est parfois fort. Certains gués, plus profonds que d'autres méritent toute notre attention, d'autant plus que bien souvent la trace s'efface dans le lit du torrent.
La piste s’élargit. Nous sommes alors à quinze kilomètres environ de notre hôtel. Une dernière piste de crête, étroite, recouverte de larges feuilles mortes piégeuses et jonchée d'arbres couchés va clôturer l'étape. Par trois fois nous devons presque coucher la moto pour la faire passer sous les troncs en travers du chemin. Quelle suée... Mais quelle belle étape !
MAE SARIANG - MAE HONG SON (300 KM)
Pistes dures et motos molles
C'est l'épreuve « marathon » du RAID THAÏ. Trois cents kilomètres de plus s'afficheront aux compteurs de nos motos ce soir à l'étape. Azimut plein nord aujourd'hui. Nous progresserons tantôt à l'ouest de la R108, tantôt à l'est dans le sauvage Namtok Mae Surin National Park, mais jamais très éloignés d'elle. Il est 7h45 lorsque nous quittons notre hôtel. La température est agréable. La journée s'annonce bien.
À gauche une rizière, à droite un piton rocheux totalement inaccessible, devant, un verger. Puis au détour d'un virage le paysage change totalement. Un champ de maïs, des bananiers, un ruisseau, une cabane sur pilotis. Les pistes, exigeantes, sont d'une incroyable diversité. Le sol est dur, sec et poussiéreux, raviné, souvent recouvert d'une couche de fins graviers qui le rend très piégeux... Avec nos brêlons chargés comme des mulets, la roue avant est délestée et très volage dans les virages. Perdre l'avant... La hantise du motard !
Je serai le premier à m'en « mettre une bonne ». Bilan : La pédale de frein complètement retournée ! À l'ombre de bambous gigantesques, je mécanique un peu le bazar et en quelques coups de démonte-pneus bien sentis, la pédale en fer « mou » rentre dans le rang. Non mais sans blague... Bientôt ce sera au tour de Johan de manger la poussière. Et un guidon tordu, un ! Et c'est sans compter la pédale de frein, également chiffonnée. Plus tard, la fixation caoutchouc du clignotant arrière droit de la moto de Luc cède. Le clignotant pendouille alors juste devant la sortie du pot d'échappement. Il n'aura pas fallu bien longtemps pour qu'il fonde complètement. C'est sûr, maintenant, il va marcher beaucoup moins bien !
Nous allons manquer d'essence, il nous faut en trouver vite fait ! À l'entrée d'un hameau perdu dans la montagne je tente, par des gestes, de demander à un habitant si nous pouvons en acheter ici. Pas facile. Un autre habitant arrive alors avec, déjà dans les bras 5 bouteilles plastique remplies chacune d'un seul litre du précieux liquide. Il nous a vus arriver de loin celui-là. L'affaire est conclue... Mais au prix fort ! Presque le double du prix habituellement pratiqué. Ils ont le sens du commerce, les thaïlandais.
Pendant que les machines avalent goulûment leur breuvage, Johan entreprend de détordre son guidon à l'aide d'une immense barre de fer. Il doit y aller tout doux, car le bras de levier est important. Il lui aura été nécessaire de démonter la poignée d'accélération pour mener à bien cette opération.
Le soleil tape fort. Les minutes passent et nous nous rendons compte qu'il ne nous sera pas possible de boucler l'étape sans faire une coupe. Nous empruntons alors une large piste pour rejoindre rapidement la R108 et ainsi gagner un peu de temps. Il nous sera aussi plus facile de trouver de quoi nous restaurer sur la « grand'route ». Le goudron de la R108, nickel, incite à user les crampons extérieurs de nos pneus. C'est que ça tient bien le pavé ce machin là... Même pas peur !
Nous effectuons une nouvelle incursion en montagne, par des pistes toujours cassantes et superbes. Mais méfiance. C'est la fin de journée pour les travailleurs des champs. Les pistes sont encombrées de deux-roues et de pick-ups surchargés. Au débouché d'une piste étroite nous retrouvons la R108 que, peu avant Mae Hong Son nous quittons une dernière fois au profit d'une piste sablonneuse aux innombrables gués bordés de roseaux. Certains, plus profonds que d'autres méritent toute notre expérience d'enduristes pour que nous ne finissions pas au bouillon. De grosses pierres bien moussues s'y trouvent également, totalement immergées et invisibles. Pas d'autre solution que de ne rien lâcher, tenir le guidon fermement et viser la sortie.
Notre guesthouse de ce soir se trouve à quelques centaines de mètres d'un marché nocturne, organisé tout autour du lac Chong Kham et dans lequel se reflète le temple Wat Chong Kham. Superbe. Demain devrait être une journée moins éprouvante, mais sûrement encore pleine de bonnes surprises...
MAE HONG SON - PAI (225 KM)
Ça passera... ça passe... ça passe paaaargh !
Après la journée « marathon » d'hier, il fallait bien calmer le jeu aujourd'hui. Avec la fatigue, je le sais, les esprits peuvent vite s'échauffer et les risques de chutes peuvent s'intensifier. Au programme donc : cent-vingt kilomètres seulement de belles pistes ce matin, un peu de goudron « j'vous dit qu'ça » et une escapade « culturelle » dans l'après-midi.
Le départ de l'étape est donné à 7h45, comme d'habitude, afin de pouvoir profiter de la belle lumière du début de journée et d'une température encore supportable. Nous sortons tout juste de la ville de Mae Hong Son par le sud-est que déjà nous bifurquons à gauche. Un brouillard épais recouvre la vallée. Il fait frisquet et la visibilité est drôlement réduite. Nous devons régulièrement essuyer notre masque cross pour ne pas quitter la route et aller au fossé.
Comme nous l'avons fait une bonne partie de la journée d'hier, nous allons une nouvelle fois sillonner les pistes et les sentiers du superbe Namtok Mae Surin National Park. La route s'élève rapidement au cœur de la forêt primaire et très vite nous passons au-dessus des nuages. Ouf ! Les virages se succèdent, la route devient piste. Nous atteignons un belvédère qui offre un magnifique panorama sur la vallée encore embrumée.
L'entrée du parc est marquée d'un poste de garde où nous devons nous acquitter d'un droit de passage, mais nous n'avons vu nul poste équivalent plus au sud et nous n'en verrons aucun autre à la sortie de cet espace protégé. Curieux ?! Les pistes s'enchaînent, toutes bien différentes, tantôt rouge, tantôt jaune sable, ou encore brunes, mais toutes très piégeuses.
Sur une crête, après une nouvelle intersection, le chemin devient franchement caillouteux. Mais où sommes-nous ? Ces pierres grises et anguleuses, ces fougères, ces conifères « comme à la maison » tenteraient-ils de nous faire croire que nous nous sommes trompés de piste et que nous sommes chez nous ? Mince alors... Le son métallique des cloches des bovins - très inhabituelles ici au cou des zébus - voudrait-il nous « transporter » dans les estives ?... Il n'en est pas question. Nous, ce que nous sommes venus chercher ici, c'est de l'exotisme ! La nature semble nous avoir entendus. Les bambous, les bananiers et la chaleur nous ramènent tout de suite en Thaïlande. Et ça nous arrange, vu le temps qu'il fait actuellement en France !
Luc, qui ouvre la marche pourtant à vitesse modérée chute lourdement dans une sortie d'épingle, comme s'il avait glissé sur une peau de banane. Même si aucune peau de banane ne se trouve là, l'endroit est effectivement à l'ombre des bananiers et la piste, luisante d'humidité. Zip... Boum ! La moto a la roue avant engagée dans le ravin. Luc s'en est éjecté à temps, tout pro de la moto qu'il est. Heureusement. Nous ne serons pas trop de trois pour la remettre en ligne sur la piste. Pas de bobo, c'est l'essentiel.
Peu avant midi nous atteignons Pai, notre ville étape de ce soir. Nous choisissons de déjeuner en dehors de la bourgade dans un modeste « routier local » avant d'aller déposer nos affaires à l'hôtel pour ensuite, plus légers, pouvoir nous rendre par la route aux Tham Lod Caves qui puent la crotte de chauve-souris. Ce sera l'escapade « culturelle » du jour. Joli programme !
Luc choisit de rester à l'hôtel. Nous, nous peinons à trouver de l'essence. Une fois les pleins faits, nous nous engageons « poignée dans l'coin » sur la R1095, la « fabulissime » route thaïlandaise aux... 1864 virages !!! Un pur moment d'extase motarde, rien que ça. Enrobé parfait, courbes bien dessinées, peu de circulation... Nous roulons à fond de six à... Euh... Pas vite en fait. Ben oui, nos Honda 250 CRF-L atteignent vite leur limite...
Après une cinquantaine de kilomètres de « total kiffe » nous arrivons aux Tham Lod Caves. Elles sont impressionnantes... Et puent vraiment la crotte de chauve-souris. Pour neuf cents baths - à la louche vingt-cinq euros - nous avons droit à : Quatre entrées et deux guides (femmes) équipées d'une lampe tempête.
Contrairement à ce que nous pourrions penser, il fait presque aussi chaud dans la grotte qu'à l'extérieur. Pas un souffle d'air. Dans la « grande salle », où les stalagmites font concurrence aux stalactites, des bateliers sont là, assis sur leurs radeaux de bambous à attendre les clients. Bruno, Gwendal et Johan partent en balade. Moi qui ai déjà tenté l'expérience par le passé, je reste sur la rive à observer les « vont-et-viennent » des embarcations, aux seules lueurs des lanternes.
Il sera 17h45 lorsque, de retour à Pai nous couperons enfin le contact de nos machines. Finalement, nous aurons fait une journée de dix heures quand-même...
PAI - CHIANG DAO (228 KM)
Dure, la vie de motard
En clôturant cette sixième étape nous serons - à Chiang Dao - pile à la moitié du RAID THAÏ. Un truc pareil, ça se fête ! Donc au dîner, ce sera double ration de riz pour tout le monde.
C'est avec une grande satisfaction que chaque soir, après une bonne journée de roulage, il m'est donné d'observer la décontraction de Johan, Bruno, Gwendal et Luc. Il y a des éclats de rires qui en disent long. Pour le moment, l'ambiance est excellente.
Aujourd'hui était un jour ordinaire : beau temps, belles pistes, bonnes gamelles (!), bons repas, bonne douche.
Le temps très sec, la chaleur et la poussière sollicitent énormément les organismes. Aussi, chaque jour consommons-nous une quantité impressionnante d'eau. Pour ma part, en comptant celle servie durant le repas de midi, je bois en moyenne plus de cinq litres d'eau durant la journée... et presque autant de litres de bière le soir. Non, je rigole... pas autant d'eau... Euh... je veux dire pas autant de bière !
Au fur et à mesure que nous progressons vers le nord du pays nous sentons les températures baisser légèrement, devenant plus supportables. Ainsi, aujourd'hui n'a-t-il fait que 27°C au plus chaud de la journée. Nous avons perdu une demi-douzaine de degrés par rapport à la température observée à Mae Sariang, tout au sud de notre périple.
La première et longue piste que nous empruntons est vraiment typée enduro et exige un bon bagage technique. Tout y passe : les grimpettes et les descentes bien velues, les grosses pavasses en travers du chemin, les sols très clairs saturés de lumière rendant la navigation hasardeuse, les zones d'ombre traîtres et glissantes, les dévers qui nous poussent soit vers la sortie de piste soit vers l'ornière qu'on tentait justement d'éviter, les marches acérées, les racines vicieuses, les branches qui fouettent, les saignées, les rampes en béton toutes délabrées... Dure, la vie de motard en voyage au soleil, loin du froid polaire de l'hexagone !
Les belles pistes en surplomb de la vallée et les petites routes sinueuses s'enchaînent sans jamais nous lasser. Dans notre vagabondage thaïlandais, nous n'avons finalement qu'une seule contrainte : trouver régulièrement de l'essence pour aller plus loin. Vraiment trop dure, la vie de motard qui doit expliquer au pompiste que c'est du 91 et non du 95 qu'il nous faut pour nos machines poussives.
Nous nous arrêtons à midi dans le restaurant qui jouxte une production de fraises. Gwendal fait grise mine. Pour lui - breton d'origine - elles n'ont rien à voir avec les fraises de Plougastel, dans le Finistère. Elles sont immangeables crie-t-il !... Comment pourrait-il en être autrement... ?
Le single track sur lequel nous nous engageons juste après le repas va nous faciliter le transit intestinal ! Il faut même parfois serrer les fesses pour passer entre les arbres... Plus loin, c'est avec un grand étonnement que nous débouchons (pour rester dans le thème) dans une clairière tapissée de pieds de menthe en fleurs aux douces senteurs de désodorisant à WC (pour en remettre une couche). Magique. L'étroit sentier descend à pic et rejoint bientôt la route goudronnée.
Nous ne sommes plus qu'à une cinquantaine de kilomètres de Chiang Dao, notre ville étape. En chemin, nous faisons une dernière pause dans un « camp à éléphants ». Mais nous sommes dimanche. Aucune activité sur le site. Juste de pauvres bêtes enchaînées qui se balancent de gauche à droite sur leurs pattes. Un peu plus tôt, nous avions pu photographier un éléphant au travail qui, même s'il semblait peiner, parvenait à littéralement escalader la montagne. Impressionnant !
CHIANG DAO - AMPHOE FANG (195 KM)
Sur le sentier de contrebande
Au moment de quitter notre hôtel ce matin, le patron nous demande s'il peut faire une photo de nous tous en tenues crasseuses, sur nos montures poussiéreuses et - comme leurs pilotes - un peu froissées il faut bien le reconnaître après plusieurs jours de raid. Pas de problème.
L'hôtel que nous nous apprêtons à quitter est situé sur les hauteurs de Chiang Dao. Le ciel est bleu, il fait déjà suffisamment chaud pour que Luc renonce à mettre le pull léger qu'il persiste à porter pour quelques minutes seulement chaque jour sous son maillot cross bariolé et qu'il est obligé de retirer rapidement tant la température monte vite. Cette fois, il aurait peut-être dû le garder. Un brouillard épais et glaçant a envahi la vallée où nous nous engouffrons. C'est ainsi qu'à la vue des nuages sombres qui sont accrochés à la montagne, pile à l'endroit où nous devions effectuer une première boucle, nous décidons de renoncer à nous y aventurer.
La ville de Chiang Dao n'est pas très jolie, tout comme les autres villes positionnées sur les grands axes sud-nord qui convergent vers le Triangle d'Or. La circulation y est plutôt anarchique. C'est du "chacun pour soi"... Mais dans le calme. Comment font-ils ? Mieux que nous, assurément.
Nous prenons rapidement de l'altitude pour gagner une première piste. Ça commence à grimper doucement, comme à chaque fois, et ça se complique, comme à chaque fois aussi.
C'est Bruno qui guide et qui "jardine" un peu. Les dimensions réduites de son écran GPS conjuguées à un fond de carte affiché pas très contrasté font qu'à plusieurs reprises nous devons improviser pour retrouver la trace. Pas grave ! Au contraire, c'est amusant le hors-piste. Un peu de single track par-ci, un peu de piste de latérite par-là et du plaisir partout.
Nous serpentons ainsi un long moment entre les plantations d'agrumes. Les paysages sont très différents de ceux déjà observés. Les montagnes se dénudent et d'impressionnantes falaises aux teintes rougeoyantes se laissent volontiers photographier. La nature se fait belle sous le soleil qui s'élève derrière nous. Nous profitons d'une extraordinaire lumière. Le brouillard, nous l'avons laissé sans regret derrière nous également. Nous sillonnons à présent les chemins ruraux qui desservent les rizières, les champs de maïs, d'ananas et les cultures maraîchères (pomme-de-terre, oignon, herbes qui sentent bon...).
En milieu de matinée, pour une fois, nous nous accordons une longue pause dans un petit magasin-bar en bordure de route. Puis c'est reparti. Nous nous enfonçons maintenant dans le Si Lanna National Park. Superbe !
Une nouvelle pause s'impose. Déjà ? Normal, il est midi. Près d'un marché couvert où, en plus des marchands de légumes et de fruits les étales de poissons d'eau douce concurrencent celles des vendeurs de viande - tout ça à-même la paillasse et sans frigo, juste sous le tourniquet à sacs plastique qui en théorie doit réussir à chasser les mouches - nous déjeunons tranquillement dans un petit restaurant traditionnel. Très tranquillement !
Vers 14h, le ventre plein, nous gagnons les sommets pour aller flirter une seconde fois avec la frontière du Myanmar. Nous venons de traverser la R108 pour prendre au nord-ouest la direction du Doi Pha Hom Pok National Park. À l'ombre des montagnes, il fait super froid !
Peu avant le village touristique de Doi Ang Khang où se trouve le parc floral Royal très réputé (préservation des végétaux du pays), nous bifurquons à gauche dans un single track d'anthologie ! Ce sentier très étroit et à flanc de ravin est certainement utilisé par les marchands qui commercent avec ceux du pays voisin (contrebande ?) et les paysans qui vont cultiver leurs champs. Des pierres saillantes, des souches se mettent en travers de notre chemin... Les grimpettes, les descentes se succèdent... Les gros blocs de rochers entre lesquels nous devons slalomer refusent de nous laisser passer sans que nous ayons auparavant bien sué. Et ce sol, tout en creux et bosses, « travaillé » par les « chevaux de fret »... Gros coup de chaud, et gros kiffe ! Dommage que Gwendal se soit fait un peu mal au dos en voulant relever seul sa moto tombée dans les cailloux ! Il n'a pas eu la patience de m'attendre, ce bougre.
Du coup, à Doi Ang Khang... Une nouvelle bonne pause s'impose. Luc fait des emplettes pendant que nous... Rien !
16h30. Il est temps de reprendre la piste. Raté. Le sentier que j'avais emprunté il y a 4 ans s'est refermé, recouvert par les broussailles. Il est devenu impraticable. Je cale mon GPS sur Fang, notre ville-étape de ce soir. Nous faisons quelques kilomètres. La route vient lécher de trop près la frontière avec le Myanmar située quelques centaines de mètres plus à gauche. Nous nous faisons refouler par les militaires ! C'est pas de chance. La route virait à droite à moins de 2 kilomètres pour s'écarter définitivement de la frontière ! Demi-tour, petit passage à la « bouteille à essence » - pas plus d'un litre par moto vu le prix – puis recalage du GPS, « re-froid » polaire dans la descente vers la ville.
Notre hôtel de ce soir est comme la ville de Fang : moche. Mais nous arrivons à capter la Wifi gratuite du coin ! Donc tout ne va pas si mal...
23h30. Extinction des feux.
AMPHOE FANG - CHIANG RAI (231 KM)
Bouillie thaï et tas de ferraille
Encore une bien bonne journée de roulage aujourd'hui.
Nous quittons sans regret la ville de Fang, très moche et prenons plein ouest la direction du Huamereng Park pour effectuer une première boucle qui, sur Google Earth était prometteuse mais qui, au final, s'est avérée très moyenne. La faute au béton qui remplace inexorablement la terre rouge des pistes. Mais là, ce qui est rageant c'est que cet axe maintenant bétonné ne sert visiblement qu'à accéder à une résidence Royale, tout là-haut, dans la montagne. La végétation commence à grignoter la chaussée tellement elle est peu empruntée. Vraiment dommage ! Seuls points d'intérêt : Une petite cascade et le point de vue depuis l'héliport de la résidence. C'est maigre.
Nous ne nous attarderons donc pas dans le coin, d'autant moins que quelques nuages bien gris font descendre sensiblement la température et la luminosité. Nous redescendons dans la vallée pour, tout de suite remonter de l'autre côté, vers l'est. Une très, très longue séance de tout-terrain nous attend, ponctuée d'innombrables pièges que nous prenons grand plaisir à éviter. Fabuleux ! Du single track bien gras et trialisant à la piste extra-large et damée n'attendant que la bétonnière, tout n'est que pur bonheur pour nous.
Nous déjeunons dans un petit village d'altitude puis rebelote, à nouveau des dizaines de kilomètres de sentiers et de chemins. Un long moment nous allons longer une rivière saupoudrée de gros blocs de rochers. Superbe.
Un peu plus loin, Luc s'arrête au niveau de ce qui semble être un enchevêtrement de jeune thaï et de ferraille, un peu à la façon d'une concrétion du sculpteur César. Le pilote du deux-roues, avec visiblement un bon coup dans le nez et une haleine de buffle s'en est « mis une bonne » dans une grosse descente en voulant éviter un poulet inconscient qui avait entrepris de traverser la chaussée en béton. Tout chiffonné sous son scooter après avoir vainement voulu épargner le bestiau, l'homme nous a vu arriver avec soulagement je pense. Le poulet, lui, ne verra plus jamais rien... sauf le wok qui le fera cuire !
Il a fallu tout d'abord séparer la viande de la ferraille, ramasser les morceaux, béquiller le scooter et faire asseoir le blessé. Plus de peur que de mal, apparemment. La peau un peu « pizza », c'est tout. Il s'en sort mieux que le poulet. La femme qui vient de récupérer le poulet déjà moitié « plumé-vidé » vient sermonner le cyclomotoriste, toujours dans le cirage. Nous restons encore quelques minutes, le temps que ses neurones se reconnectent et nous reprenons la route.
Vers 16h nous sommes rendus à destination - Chiang Rai - notre ville étape. Ce soir, c'est Luc qui gère le choix de l'hôtel et du restaurant.
CHIANG RAI - MAE SALONG (141 KM)
L'émotion des retrouvailles
Une journée exceptionnelle, tout simplement.
Au départ de Chiang Rai, il fait beau et la température est agréable. Dès la sortie de la ville, sans charme, nous trouvons rapidement une première piste. Elle nous mène au nord-ouest. C'est parfait, le soleil est derrière nous, la lumière sur les vallons est superbe. Au sortir d'une courbe, dans une plantation de thé, un sentier part à gauche. Il est détrempé par l'arrosage, en forte pente ascendante et notre GPS nous indique que c'est là que nous devons aller alors... allons-y !
Durant une bonne partie de la matinée nous allons sillonner des chemins et des sentiers très peu empruntés par les locaux, pour certains laissés totalement à l'abandon mais qui tous recèlent de dangereux pièges. Notamment ces bambous sectionnés à la machette sur lesquels il serait aisé et terriblement douloureux de venir s’empaler. Glurps !
Plus loin, dans une descente bien « velue » et au revêtement super glissant ma roue avant s'engage dans une rigole sans que je puisse l'en sortir. Ne pouvant stopper ma machine tant le sol dérape et que la pente est raide, je continue à avancer... À prendre de la vitesse, même ! Bientôt le sol se dérobe sous mes crampons... C'est la chute, inévitable. Gwendal, qui n'a pas pu, lui non plus éviter la saignée humide percute ma moto par l'arrière gauche. Le silencieux d'échappement de sa machine vient toucher le sac poubelle qui protège mes bagages. Le plastique fond instantanément mais, par je ne sais quel miracle reste collé à l'échappement sans abîmer mon sac à dos, resté intacte. L'odeur de plastique brûlé, tenace, ne nous quittera pas durant plusieurs minutes.
Souvent dessinés sur les crêtes, les sentiers demeurent toujours très pentus car les montagnes sont escarpées. Rouler ici réclame un très bon bagage en tout-terrain et une excellente lecture de la piste, c'est sûr. Notre groupe étant relativement homogène, nous pouvons progresser ensemble de manière fluide. Ça, c'est appréciable.
Vers 10h nous faisons une longue pause dans un camp d'éléphants. Peu d'agitation ici. Jadis réduit à une simple rue commerçante descendant doucement vers la rivière, il a été déplacé de quelques centaines de mètres. De nouveaux commerces de souvenirs entourent deux enclos ainsi qu'un bâtiment avec préau élevé sur de gros poteaux et duquel se font les départs à dos de pachydermes. Quelques éléphants justement partent en balade pendant que d'autres vont prendre un bain dans la rivière.
Il est 12h30 lorsque nous atteignons le village dans lequel j'avais passé la nuit il y à 8 ans, quand je m'étais rendu pour la première fois en Thaïlande. J'étais passé tout près d'ici lors de mon second raid en 2013 mais je n'avais pas pu mener à bien la « mission » que je m'étais alors fixée : Retrouver la famille qui nous avait hébergés, moi et ma petite troupe et lui remettre quelques photographies prises à l'époque. C'est maintenant chose faite et j'en suis très heureux !
Après avoir stationné nos motos, je sors les photographies de mon sac et immédiatement je me dirige vers des femmes susceptibles d'y reconnaître des visages. Bingo ! Une femme du village me guide jusqu'à la maison des thaïlandais qui nous avaient reçus. En contre-bas de la piste, près d'une grande maison de bois, je vois le chef de famille presque courir vers moi, ne pouvant dissimuler un large sourire derrière ses mains jointes devant son buste comme pour me saluer et me souhaiter la bienvenue. Il avait été entre-temps prévenu de mon arrivée par un autre villageois. Je le reconnais instantanément. Ces retrouvailles génèrent en moi une intense émotion que l'homme semble partager. Je le salue à mon tour et lui serre la main.
Nous sommes immédiatement invités à pénétrer dans sa maison. Après nous être déchaussés, nous visitons cette grande bâtisse de planches, bien plus cossue que celle que j'avais gardée en mémoire et qui n'était alors constituée que de murs en bambous tressés et d'un toit de feuilles de palmiers.
L'homme parvient tout en nous servant un verre d'eau à me faire comprendre que sa femme est à plus de trois heures de piste d'ici. Je suis triste de ne pas pouvoir la saluer. Cette femme avait vraiment la classe. C'est elle qui s'était spontanément proposée de nous héberger. Nous peinons à communiquer. Quelques photos souvenirs sont prises sur le perron de l'habitation, puis nous reprenons la route. Un vraiment chouette moment.
Après avoir franchi un long pont suspendu, nous décidons de déjeuner dans le premier restaurant de bord de piste qui se présente. Il n'y a pas grand-chose à manger, mais ça ira. Un petit tour au magasin d'à côté pour acheter les boissons fraîches et zou !
Tout l'après-midi nous aurons droit au même traitement que ce matin : des pistes exigeantes et sublimes. Vers 16h nous atteignons notre ville étape, Doi Mae Salong. Un gigantesque marché très animé occupe le carrefour central. C'est le Nouvel An chinois qui se prépare... Et comme des chinois, il y en a plein le secteur, nous avons droit au bruit et à la débauche de pacotilles colorées qui vont avec. Nous seront propulsés demain au réveil en... 2560 !
Depuis notre départ de Chiang Mai, je constate avec regret que le développement du pays s'accompagne aussi d'une perte d'authenticité. Cela vaut pour les pistes moins nombreuses, pour les habitations de bambou presque toutes disparues et enfin pour les traditions perverties par le modernisme, le tourisme et, il faut bien le reconnaître, par l'invasion chinoise.
Nous dormirons ce soir dans le même hôtel que celui que j'avais retenu lors de mes précédents voyages. Là, il est en travaux mais des chambres sont disponibles.
MAE SALONG - CHIANG RAI (212 KM)
À l'aise, glaise !
Au départ de Doi Mae Salong, tôt ce matin, l'humidité de la nuit n'a toujours pas quitté les zones d'ombre des versants ouest des montagnes. La vigilance est de mise. Une belle vue sur la vallée embrumée s'offre une nouvelle fois à nous. Superbe !
Mais c'est sur les pistes qu'il y a du spectacle ! En moins de dix mètres je me retrouve deux fois au sol après avoir glissé sur de la glaise luisante. Luc, qui vient de béquiller sa monture pour venir me donner un coup de main afin de redresser mon brêlon se retrouve presque immédiatement le cul par terre. Les crampons des pneus et de nos semelles de bottes n'y suffisent pas. Il n'y a aucun grip. Ça promet !
Cette fois, mon guidon est bien vrillé. Il me sera difficile de faire passer ça pour une illusion d'optique auprès de loueur au moment de restituer ma monture. La poignée droite est tellement tordue que je ne peux même plus me mettre en position debout sur la moto. Il faut tenter de réparer ça au plus vite. Heureusement, non loin de là, à la sortie d'un village, des ouvriers s'affairent sur un chantier routier. Ils ont une barre de fer qui, j'en suis sûr me permettra de redresser au moins partiellement le guidon. Effectivement, doucement, nous parvenons à lui donner meilleure allure... Mais bon, il a quand même une « sale tronche » !
En milieu de matinée nous avons droit à notre première crevaison. Et c'est Johan qui, comme à son habitude en est la victime. Quelle idée de rouler sur un clou en pleine jungle thaïlandaise ?!
Ces péripéties nous ont retardés. Nous décidons de « tirer tout droit » vers Mae Sai, le point le plus au nord de la Thaïlande, à la frontière avec le Myanmar. La Chine n'étant qu'à cent-vingt kilomètres environ encore plus au nord, c'est la cohue à Mae Sai. Les commerçants chinois ont, ici aussi envahi les pas-de-portes. Il n'y a que de la pacotille à regarder et à ne surtout pas acheter dans les innombrables échoppes. Un pont enjambe la Mae Sai River qui fait office de frontière naturelle avec le pays voisin. Il est encombré de véhicules de tous genres chargés de colis.
Vers 12h30 nous arrivons à Ban Sop Ruak, sur les rives du fleuve Mékong. C'est ici le fameux Triangle d'Or. Un gros Bouddha doré posé sur une structure super kitsch en forme de bateau marque symboliquement l'endroit. Par deux fois je suis venu ici et, cette fois encore, j'ai pu retrouver à l'écart de la grande route le petit restaurant les pieds dans l'eau qui m'avait séduit jadis et dans lequel j'avais prévu que nous déjeunions aujourd'hui. Une chance ! C'est l'un des derniers établissements à avoir une salle ouverte aux quatre vents. Un peu d'air, ça fait du bien. Devant nous, de l'autre côté du fleuve, il y a le Laos. À gauche, c'est le Myanmar. Quelques Long-tail boats promènent des touristes.
Après avoir repris la route et avoir crapahuté sur de belles pistes, nous nous retrouvons plus tard dans l'après-midi en plein milieu du campus universitaire de Chiang Rai ?! Sans être surpris le moins du monde par nos motos chargées ni même par nos tenues cross, un vigile nous donne à chacun un badge d'entrée plastifié ! Pourrons-nous nous échapper d'ici sans encombre ? Ma trace passe par ici alors... allons-y ! Nous traversons un grand parc, des parkings, nous contournons des bâtiments quand, plus loin, un autre vigile nous demande notre badge pour sortir de la zone. Jusque-là, tout va bien. C'est après que ça va se gâter. Ce sera même du gros n'importe quoi. Des pistes nouvelles viennent remplacer d'autres, plus anciennes et abandonnées au profit des premières, des trous d'eau nous obligent à autant de contournements... Nous « jardinons » bien comme il faut.
Vers 17h30 nous parvenons enfin à nous extirper de là. Ouf ! Le soleil déclinant, nous « tirons » une nouvelle fois au plus court pour rejoindre Chiang Rai. La circulation y est... Spéciale ! Mais nous trouvons sans problème un hôtel pas cher pour dormir : Moins de cinq euros la single, moins de neufs euros la twin ! Et pour dîner, là encore c'est moins de cinq euros par personne, boissons comprises !
La Thaïlande... Que du bonheur !
CHIANG RAI – PHRAO (197 KM)
Trahis par Google Earth !
Aujourd'hui, sur les cent-cinquante kilomètres de pistes prévus initialement et tracés à partir des images satellites de Google Earth (datant essentiellement de 2013), plus du tiers a été bétonné avant notre passage. Du coup, l'étape a grandement perdu de son intérêt.
Heureusement, un petit single track de « derrière les fagots » et bourré de caillasses nous a permis de mouillé le maillot ce matin. Dommage qu'il n'aboutissait pas à l'endroit escompté. Il fallait bien ça pour nous réchauffer car avec ce ciel gris, il faisait un froid polaire : 25°C pas plus ! À l'approche de midi nous sillonnons longuement des pistes qui serpentent entre les bassins de fermes piscicoles.
Nous déjeunerons dans un petit village à l'écart de la « grande » route. Comme souvent, nous irons chercher les boissons dans l'épicerie la plus proche du restaurant qui lui est fréquemment dépourvu de frigo. Mais ce midi, non contents d'être allés acheter quelques bouteilles d'eau dans la boutique juste à côté, nous avons poussé le vice jusqu'à aller acheter des brochettes de porc et des beignets de bananes dans un autre restaurant de bord de route, en face. C'est ce qu'on appelle de la restauration collaborative ! Et c'est une excellente formule. Tout les commerçants y trouvent leur compte.
Dans l'après-midi, après avoir roulé sans plaisir sur un interminable ruban de béton, nous parviendrons quand même à trouver une longue piste à la texture de pâte à modeler pour nous défouler : Entre le sec qui craquelle et le mouillé qui glisse, sur plus de quarante kilomètres. Un régal.
Ce soir, nous sommes à Phrao. Une ville taillée à la machette, dans une plaine ordinaire.
Demain, ce sera la dernière étape du RAID THAÏ 2017.
Ça sent la fin tout ça...
PHRAO - CHIANG MAI (148 KM)
2750 x 5 = 13.750
Hier soir, c'était le dîner de clôture du RAID THAÏ, au restaurant Rider's Corner de Chiang Mai. L'ambiance était bien sympa. Bonne musique, bonnes bières, bonne bouffe. Et donc, de retour à l'hôtel, à pieds par les ruelles encore animées de la vieille ville, je n'avais qu'une envie : Dormir. C'est la raison pour laquelle, prenant mon courage à deux mains, je me suis levé très tôt ce matin pour rédiger cette ultime chronique de voyage.
Il est 7h50. J'ai un café chaud posé là près du PC. Johan, Bruno, Gwendal et Luc n'ont pas encore pointé le bout de leur nez. Au pire, il a été convenu qu'à midi nous nous rassemblions dans le hall de l'hôtel pour le transfert vers l'aéroport...
Notre dernière journée de roulage nous a réservé de belles surprises, comme ce single track très, très long et tout en montée glissante et ravinée, suivi de près de soixante kilomètres de pistes ininterrompues que nous avons parcourues à bon rythme. À mi-parcours, nous avons fait une bonne halte au point culminant de notre progression, tout près d'une sorte d’ermitage. Quelques statuettes, quelques bouts de chiffons, quelques offrandes posées sur les rochers. J'étais déjà passé là.
Un dernier déjeuner en campagne, puis nous nous sommes rapprochés de Chiang Mai. Encore un beau single track, quelques pistes et c'est la longue ligne droite bitumée qui s'est profilée. Cette fois, c'était bien terminé.
Vers 15h30 nous avons restitué les motos au loueur, qui nous a facturé cinquante euros seulement de pièces abîmées et/ou cassées. Un guidon, un levier, deux caches en plastique, une chambre à air et un clignotant. Ce n'est rien, au regard des 2750 x 5 = 13.750 kilomètres cumulés de nos cinq machines. Et nous n'aurons subi qu'une seule crevaison ! Pourtant, nous ne les avons pas ménagées nos montures...
Une visite de Chiang Mai clôturera notre séjour en Thaïlande.
Merci à Johan, Luc, Gwendal et Bruno de m'avoir fait confiance dans les préparatifs du RAID THAÏ.
Un bien beau voyage.