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MORBIHAN
Mongol'Bihan, ma petite Mongolie
Quel triste ciel ! Il pleut sans discontinuer depuis hier. Encore un week-end pourri à ne pas mettre une moto dehors. Affalé sur le canapé, je lance mollement des fléchettes sur une cible posée à même le sol sans jamais parvenir à l’atteindre, ou presque, tandis que Jean-Luc, vautré dans un fauteuil, épluche la page météo d’un canard tout froissé. Nos cannettes de bière sont vides, il n’y a plus de cacahuètes, je n’ai pas le courage de me lever pour faire le plein… Le spectacle fait peine à voir.
Sans conviction Jean-Luc tente pourtant de nous redonner le sourire : "Ils prévoient beau temps le week-end prochain, on peut peut-être se faire une sortie…". Et alors là, sans trop savoir ce qui me passe par la tête je lui réponds bêtement : "On fait un jeu. Trouve-moi une carte, pose-la ici sur le tapis. Je lance une fléchette et le week-end prochain on va là où elle se plante !". Complètement stupide cette idée. Pourtant, l’un comme l’autre nous retrouvons immédiatement notre énergie. Alors que mon compère cherche une carte dans la bibliothèque du salon je pousse la table basse pour dégager le champ de tir. Il me crie : "C’est bon, j’en ai une, mais c’est la seule !". La carte est dépliée… C’est une carte du monde ! Et lui de rajouter : "C’est le jeu et c’est ton idée alors vas-y, lance !". Pourvu que j’atteigne au moins la France. Je ferme un œil, je m’applique, je vise et je lance. Jean-Luc se jette sur la carte : "Eh-bien le week-end prochain nous allons… En Mongolie !". Je m’approche à mon tour : "Euh… Pas de problème… Mais où, en Mongolie ?... Ah oui, là !... C’est faisable…".
Mörön est la capitale de la province d’Hövsgöl, dans le nord de la Mongolie. C’est là qu’est venue se planter la fléchette sur notre carte, c’est donc là que nous irons… Enfin pas tout à fait.
Après une rapide recherche sur Internet, nous apprenons qu’à Mörön il y a des yourtes dans la steppe, de rares camélidés, d’antiques motocyclettes et que, non loin de là il y a aussi… Des menhirs ! Me voilà bien avancé.
Rendez-vous est pris pour le week-end suivant.
Deux brêlons à Breizh’cailloux
Samedi matin, 8 heures. Coup de fil. C’est Jean-Luc qui, une fois de plus s’est perdu. Il tourne en rond dans le quartier, incapable de se souvenir comment accéder jusqu’ici. Je le guide au téléphone, il arrive enfin. Sur la remorque bidouillée attelée à sa voiture il a accroché son brêlon avec des cordes à vaches, un 500 XT qu’il a superbement restauré. J’ouvre le coffre de sa voiture et je peine à y faire rentrer mon casque. Il est plein à craquer de sacs, de bidons, d’outils en tous genres. Je lui dis : "C’est quoi, tout ça ?". Il me répond : "La Mongolie… C’est loin… Il faut prévoir… Au cas où… On ne sait jamais…".
J’allume mon GPS dans lequel j’ai chargé notre escapade du week-end et nous partons, cap au nord-ouest. Ce n’est qu’après plus de 2 heures de route que Jean-Luc, pourtant au volant me dit : "La Mongolie, ce n’est pas plutôt derrière nous, vers l’est ? Et toi, tu n’as pas de moto ?". Je lui réponds : "T’inquiète, J’t’expliquerai ! Tu fais ce que t’indique le GPS et tu roules… Ma bécane elle est là-bas, devant, pas très loin…".
À la sortie de Locminé je crie : "STOP ! C’est là que nous nous arrêtons". Nous garons notre attelage devant l’atelier Team Motten Bike, l’une des trop rares concessions Royal Enfield de France. Le responsable du magasin, très sympa, a accepté de me prêter une machine, un superbe mono 500 Classic Chrome. La moto de Jean-Luc est déchargée de la remorque, quelques papiers à signer, le GPS est fixé au guidon de ma monture, un sac avec deux ou trois fringues, le déjeuner vite avalé et zou !, nous voilà partis. Jean-Luc, dubitatif et totalement déboussolé reste bien collé à ma roue, ne voulant surtout pas me perdre de vue.
Les vieilles pétoires de Mörön, ça, c’est fait.
À l’entrée de Sainte-Anne-d’Auray, Jean-Luc me fait signe qu’il a un problème. Il vient à l’instant de perdre un cale-pied ! Nous béquillons nos brêlons et, immédiatement nous nous mettons à chercher les pièces au sol. "J’ai la platine !"… "J’ai trouvé l’axe !"… mais toujours pas la goupille… Un bout de fil de fer fera l’affaire… Et c’est reparti. Finalement, elle n’est peut-être pas si bien restaurée que ça, la moto de Jean-Luc…
La basilique de Sainte-Anne-d’Auray est vraiment impressionnante. C’est le principal lieu de pèlerinage de Bretagne. Nous improvisons une séance photos sur les marches de Scala Sancta, la porte monumentale du sanctuaire. Je m’éclipse un instant pour me rendre à la Fontaine Miraculeuse afin de me rafraîchir un peu. Et, ça ne coûte rien, j’en profite pour prier pour que tout se passe bien aujourd’hui et demain… Et même pour plus tard tant qu’à faire, puisque je suis là.
Nous reprenons notre route en direction de Saint-Cado, un îlot charmant situé sur la rivière d’Étel. Quelques maisons de pêcheurs, une chapelle, un petit pont de pierres… Une vraie vision de carte postale.
Après un arrêt sur la langue de sable de la barrière d’Étel où il est possible d’observer les dangereux courants marins, puis au pied du moulin du Narbon à Erdeven blanchi à la chaux et possédant encore son mécanisme et ses ailes toilées, nous nous dirigeons vers le site mégalithique de Kerzerho. L’accès à l’alignement de pierres levées est totalement libre. C’est donc tout naturellement au milieu de ce "champ de menhirs" que nous stoppons nos machines. Clic ! c’est dans la boîte.
Les cailloux dressés de Mörön, ça, c’est fait aussi.
Nous chevauchons à nouveau nos montures pour, gaz en grand nous rendre non loin d’ici au dolmen de Crucuno, une allée couverte posée là, au milieu d’un hameau. Re-clic !
Au menu : Entre côte sauvage et yourte nature
À l’entrée de Plouharnel, nous faisons cap au sud pour effectuer une belle boucle jusqu’à Quiberon. Après une interminable ligne droite très ventée où il nous faut cramponner nos guidons pour ne pas être projetés dans les dunes desquelles se soulèvent des nuages de sable, nous parvenons, du sable plein les dents, au Fort de Penthièvre qui marque véritablement l’entrée de la presqu’île. Quelques kilomètres encore et nous bifurquons à droite, vers la magnifique côte sauvage. De la Pointe du Percho à la petite ville de Quiberon, la route côtière est magnifique. À la Pointe du Conguel, plus abritée, nous prenons le temps de reluquer les sirènes qui se font dorer au soleil puis nous poursuivons notre chemin vers le complexe de plaisance de Port-Haliguen où là, c’est plutôt ambiance bottes et cirés. Beaucoup moins sexy !
Mais il est déjà tard. Nous quittons la presqu’île de Quiberon en empruntant une nouvelle fois la longue ligne droite qui est maintenant partiellement recouverte de monticules de sable et nous nous dirigeons tout droit vers notre hébergement pour la nuit. Nous dormirons ce soir à Ploemel, au nord de Carnac, au hameau de Dihan. Arrivés sur place, nous coupons nos moteurs et je me rends seul à la réception. Blablabla, deux trois papiers à signer, une carte-bleue et je rejoins Jean-Luc. Je lui dis alors : "J’t’explique. Tu vois la colline, là-bas au fond ? Eh-bien nous allons pousser nos motos parce que nous ne devons pas faire de bruit ici à cause des chevaux qui broutent dans les champs et, juste derrière, il y aura notre hébergement". Jean-Luc reste sans voix. Nous crachons nos derniers grains de sable encore coincés dans nos gorges à pousser comme des forçats nos motos sur un étroit sentier. C’est qu’ils ne sont pas légers, nos brêlons ! Arrivé sur la crête, Jean-Luc reste… Sans voix. Dans une grande prairie aux herbes hautes, pas un arbre, seulement… Une yourte !
Yes ! je vais le remplir mon contrat. La peau de bête dans la steppe, ça, c’est bien fait. Reste plus que le camélidé. Ce ne sera pas facile de trouver un vrai camélidé dans le coin mais bon…
Encore essoufflés, nous pénétrons dans la yourte. À l’intérieur, l’unique pièce circulaire est baignée de lumière. Au travers de la porte, les rayons chauds du soleil couchant illuminent le mobilier coloré. Il y a là un lit double, deux lits d’appoint, une table basse et trois petits tabourets, un poële, un coin toilette. Jean-Luc : "Mais on mange où ?". Je lui réponds : "Pas de panique, le dîner, il arrive, patience…". Effectivement, un panier-repas ne tarde pas à être déposé à l’entrée de notre yourte. Le dîner est royal !
Plus tard en soirée.
Jean-Luc : "La bête à bosse(s)… Tu ne la trouveras jamais !".
Moi : "T’inquiète… Il est tard, dors maintenant…".
Un bol d’air frais et une bolée de cidre
Dimanche matin, 8 heures. Couchés tard, levés tôt… La journée va être longue. Un café… Fort, le café. Nous poussons nos motos jusqu’à la réception. Je donne un coup de chiffon sur la selle de ma moto pour évacuer la rosée. Une pression sur le bouton du démarreur et hop !, je suis prêt à partir. Debout sur sa moto, Jean-Luc, lui, donne un bon coup de kick pour faire péter la sienne, mais rien ne se passe. Re-kick, re-re-kick, mais toujours rien. Il s’assoit… Sauf que lui, il n’a pas pensé à essuyer sa selle. Erreur ! Pas encore parti et déjà fatigué, le fond de pantalon trempé, Jean-Luc parvient tout de même à démarrer sa bécane… Enfin.
Peu avant Carnac, nous allons jeter un coup d’œil aux alignements du Ménec et à ceux de Kermario. Plusieurs milliers de menhirs sont visibles ici. Mais ce serait quand même plus joli s’il n’y avait pas tous ces grillages qui cernent les deux sites… Nous nous dirigeons ensuite vers le centre de Carnac et plus précisément vers le boulevard de la plage. L’ambiance est au farniente, la mer est calme et la lumière sur la baie de Quiberon est superbe. Nous poursuivons notre route et nous atteignons rapidement La Trinité-sur-Mer. Une légère brise fait claquer les haubans sur les mâts des innombrables bateaux amarrés aux pontons. L’ambiance est à la course au large. Plus loin, à Locmariaquer – une commune qui compte de nombreux sites mégalithiques à visiter tels celui du Grand Menhir Brisé, ou encore de la Table des Marchands - nous nous rendons sur la jetée qui fait face à Port-Navalo. Nous sommes là à l’entrée du Golfe du Morbihan. Les courants et les vents peuvent être ici si redoutables qu’il n’est pas rare de pouvoir observer des voiliers qui, toutes voiles dehors, "progressent à reculons" ! Étourdis par ce bon bol d’air frais, nous décidons de nous arrêter déguster une bolée de cidre à Saint-Goustan, un très charmant petit port situé dans une anse encaissée du Loc’h, sur la commune d’Auray.
Mais le temps passe… Après une nouvelle pause à l’embarcadère de l’Île-aux-Moines cette fois, nous prenons la direction de Vannes. Au cœur de la vieille ville, les maisons à pans de bois, les remparts et les lavoirs méritent le détour. Nous quittons Vannes par le nord-est et, juste avant Elven, nous tournons à gauche en direction de la Forteresse de Largoët, un édifice qui, même s’il est partiellement ruiné mérite lui aussi qu’on s’y attarde. Nous poussons encore plus loin jusqu’à La Vraie Croix. Comme on peut s’en douter, la chapelle renfermerait une précieuse relique… Un morceau de la Croix du Christ.
Nous déjeunerons à Questembert, sur la place des halles, principale curiosité de la ville.
Au cours du repas.
Jean-Luc : "Toujours pas de bête à bosse(s) !".
Moi : "T’inquiète…".
"Silence, je bosse !"
Rochefort-en-Terre, où nous faisons une halte digestive est bâtie sur une crête rocheuse. La commune est bordée au nord par les Landes de Lanvaux. Dans cette grande plaine nous franchissons une première fois le Canal de Nantes à Brest, tout près de Saint-Martin-sur-Oust. Nous nous trouvons là au point le plus à l’est de notre escapade. Cap à l’ouest maintenant. À Saint-Congard nous traversons une nouvelle fois le Canal de Nantes à Brest et, à Malestroit, nous décidons de faire une pause près d’une écluse, à l’ombre d’un vieux chêne. Mais la fin de journée approche et je dois restituer ma moto avant la fermeture du magasin.
Les bourgs de Sérent, Plumelec, Saint-Jean-Brévelay sont vite dépassés… Nous traversons maintenant Bignan. Sur la place du village, une troupe de cirque a planté son chapiteau. Je me dis alors qu’avec un peu de chance… Non, ce serait trop beau… Plus que quelques kilomètres avant notre retour à Locminé… Pourvu que… J’ai bien cette figurine de chameau planquée au fond de mon sac mais bon, trouver un vrai camélidé ce serait quand même mieux…
Et là, tout à coup, le miracle se produit ! Mes prières ont été exhaussées. Juste à la sortie de Bignan, au beau milieu d’un champ…. La ménagerie du cirque et, parmi les animaux… Un dromadaire !!! Jean-Luc et moi n’en revenons pas. Je viens de gagner mon pari, emmener Jean-Luc en Mongolie !
Une bien belle balade.