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ITALIE (SARDAIGNE)
RAID SARDE
Deuxième plus grande île de la Mer Méditerranée (après la Sicile) et presque trois fois plus vaste que la Corse, sa voisine moins accueillante (!), la Sardaigne mérite-t-elle vraiment le voyage ?
Tapissée d'oliviers centenaires, de chênes-lièges fripés et de chétifs buissons d'épineux, la Sardaigne intérieure promet d'être fascinante et sauvage. Montagneuse à l'est et au relief plus apaisé à l'ouest, elle est scarifiée d'innombrables pistes caillouteuses, sinueuses, sûrement exigeantes, vraisemblablement poussiéreuses et piégeuses qui vont nous régaler j'en suis certain.
La Sardaigne littorale, cernée par les eaux bleues cristallines de la Mer Méditerranée devrait nous offrir quant à elle d'inoubliables points de vue depuis d'abruptes falaises, d'admirables criques et d'époustouflantes plages de sable fin sur lesquelles nous pourrons sans doute « farnienter ».
Cinq semaines « la tête dans l'écran » de mon ordinateur m'auront été nécessaires pour bien préparer ce périple. C'est inhabituel. Mais j'avais été alerté sur le fait que les pistes sardes qui traversent d'immenses maquis ou celles qui se trouvent dans des espaces naturels protégés et aux règles de circulation contraignantes sont assez régulièrement bordées de grillages et que les barrières cadenassées qui en interdisent l'accès sont tout aussi souvent placées là où on s'y attend le moins. En tout cas rarement à leur entrée ou à leur débouché. C'est donc kilomètre après kilomètre que sur Google Earth j'ai dû vérifier minutieusement mon tracé, aucun repérage sur place n'ayant été envisagé. Finalement nous n'effectuerons qu'une poignée de demi-tours et pour moitié en raison d'éboulements de terrain.
Arrivé plus tôt sur l'île, c'est depuis le belvédère de la Punta San Gavino à Porto Torres que je guette au loin l'approche du bateau jaune d'or de la Sardinia Ferries, parti de Toulon et dans lequel ont embarqué les participants aux RAID SARDE et leurs rutilantes machines. Le pilote du port vient de monter à bord pour aider le commandant du navire à accoster, je me dirige vers le port. Laurent et Ludo, au guidon de leur KTM 790 Adventure R-Rally sont les premiers à s'extirper de l'imposant bateau et à venir me retrouver. Suivent bientôt Régis, sur sa KTM 690 Enduro, Laurent en Yamaha Ténéré 700 et Thibaut chevauchant un Triumph Scrambler 1200 XE. David au guidon d'une KTM 790 Adventure R et son copain Frédéric sur une modeste KTM 390 Adventure arrivent à leur tour. Enfin, Robert, fidèle à lui-même sera le dernier à débarquer. Il pilote une Yamaha 660 XTZ. Quant à moi je roulerai en KTM 890 Adventure R. La marque autrichienne est une fois encore bien représentée.
J'ai repéré un petit restaurant en ville. Nous y déjeunons avant de prendre la route sans charme qui nous mènera à Alghero, la plus belle ville côtière de Sardaigne, un peu plus au sud, sur la côte nord-ouest. C'est là que nous passerons la nuit.
Entourée de fortifications anciennes, un peu à la manière de Saint-Malo ou de Dubrovnik, Alghero est réputée pour son vieux centre médiéval aux rues pavées. Elle renferme plusieurs bâtiments d'architecture gothique catalane, notamment la Cattedrale di Santa Maria au clocher massif, le Palazzo Guillot et la Chiesa di San Francesco. Depuis les remparts, accessibles et qui prennent de jolies teintes mordorées en fin de journée, il est possible d'admirer le magnifique coucher de soleil sur le Capo Caccia au loin. Aux dires des sardes, c'est le plus beau du monde !
« Réveil 6h30, 8h15 moteur chaud ! ». Ça va piquer un peu mais les pilotes qui me connaissent sont maintenant habitués à m'entendre prononcer ces quelques mots, chaque soir avant d'aller dormir. Bonne nuit donc.
ÉTAPE 1
Alghero - Olbia
Les environs d'Alghero ne présentant que peu d'intérêt, c'est près d'Ittiri, à une vingtaine de kilomètres dans les terres que nous quittons pour la première fois le bitume. Le paysage est vallonné, les pistes sont faciles. Nous serpentons entre les plantations d'oliviers, quelques ruisseaux presque à sec sont franchis, sans stress. Une bonne entame.
Déjà deux heures que nous roulons à bonne vitesse. Une première pause s'impose. C'est l'occasion aussi de découvrir un premier nuraghe, une spécificité sarde. Il en existe près de 7000 sur l'île, le plus spectaculaire nuraghe qui se visite étant celui de Su Nuraxi, à Barumini, un village situé approximativement au centre de la Sardaigne. Les nuraghi (pluriel de nuraghe) sont des forteresses ovoïdes édifiées dès le deuxième millénaire av. J.-C. à l'aide de gros blocs de pierres habilement taillées et assemblées sans mortier. Les constructions de forme légèrement conique sont rétrécies à leur sommet et entourées de corridors ménagés dans des murs d'une demi-douzaine de mètres d'épaisseur au moins. Le bâti central est lui-même entouré de nombreuses constructions circulaires formant un village. Impressionnant.
Nous contournons Sassari par l'est avant de prendre un peu de hauteur. À partir de Tempio Pausania, dans le massif de Limbara, le relief s'accentue franchement pour atteindre plus de 1300 mètres d'altitude. Les pistes, plus étroites, deviennent techniques. Les nuages de poussière levée par nos motos compliquent également le roulage.
En toute fin de journée, les faubourgs d'Olbia, une autre porte d'entrée de la Sardaigne avec Porto Torres et Cagliari se profilent à l'horizon. Olbia sera notre ville-étape pour ce soir.
ÉTAPE 2
Olbia - Nuoro
Un rapide coup d’œil aux motos ce matin me laisse perplexe. Le pneu arrière de la KTM 690 Enduro est déjà presque usé jusqu'à la corde ! Régis, son propriétaire, m'avoue n'avoir pas bien pris conscience de son état avant son départ. Et les pistes d'hier, exigeantes, ont entamé sa confiance... et la gomme. Bonne analyse. Il ne pourra rouler qu'un peu plus de quatre jours sur les six que compte le RAID SARDE. C'est ballot...
Direction plein sud et la province de Nuoro aujourd'hui. C'est la région la moins peuplée de l'île. Quelques chemins tranquilles nous permettent de nous mettre en jambes. Passé le Rio Palasole, ça grimpe fort. Une belle boucle forestière va nous occuper une bonne partie de la matinée. Dans le massif qui me fait immédiatement penser à celui de L'Ospédale au sud-est de la Corse, alternent des éboulis rocheux et des forêts de pins et de chênes-lièges. La forêt domaniale de Su Filigosu et celle du mont Lerno sont traversées de part en part. Superbes.
Malheureusement Thibaut va tomber à plusieurs reprises. Une première fois tout comme Robert dans une sévère grimpette sans rien casser, une seconde au passage d'une énorme marche où il pulvérisera le bloc compteur-phare de sa machine et une troisième, dans la caillasse. Cette dernière aura raison du sélecteur de vitesses de son Triumph Scrambler 1200 XE pourtant taillé pour le tout-terrain. Par « chance », le second rapport de la boîte de vitesses est resté engagé. C'est donc avec beaucoup de difficultés que nous parviendrons à rejoindre une route bitumée, à plus de quarante kilomètres. Thibaut rejoindra Alghero ce soir afin de pouvoir organiser son rapatriement en France. Vraiment pas de bol...
Une nouvelle boucle est effectuée plus à l'est du village de Budduso. Moins pentues, les pistes ravinées du parc de Coiluna et de la forêt de Crastazza-Tepilora sont sillonnées en tous sens pour notre plus grand plaisir. Nous enchaînons les kilomètres sans presque jamais retrouver le goudron.
Une dernière piste oubliée nous mène jusqu'aux portes d'Oliena, au sud-est de Nuoro. Nous passerons la nuit dans une auberge, à flanc de montagne.
ÉTAPE 3
Nuoro - Tortoli
Là, ça ne rigole plus ! Nous allons flirter avec les escarpements rocheux du parc national de Gennargentu une bonne partie de la journée. Les chemins vont laisser place à d'étroits sentiers ombragés, notre vitesse de progression va très nettement chuter... et nous allons régulièrement chuter nous aussi ! Ce n'est qu'entre Orsolo et Fonni que nous aurons un peu de répit et que nous pourrons souffler un peu avant qu'à nouveau le relief se fasse plus imposant.
S'élevant à plus de 1 830 mètres au-dessus de la mer, La Marmora près de Tonara est le plus haut sommet de la Sardaigne. C'est sur son versant nord-ouest que nous ferons notre plus belle et insolite pause pique-nique, dans le hameau ruiné de Pinnetto. Y sont encore visibles quelques cabanes traditionnelles de bergers et des enclos à bestiaux.
De là et toujours par de belles pistes forestières nous descendrons doucement jusqu'à la mer pour atteindre en fin d'après-midi Cardedu, un peu au sud de Tortoli. Notre hôtel, idyllique et les pieds dans l'eau est « adults only » ! Robert et Frédéric qui avaient quitté le groupe ce midi se sont déjà rendus sur place par la route pour profiter de la piscine et de la plage. La fatigue commence à se faire sentir...
ÉTAPE 4
Tortoli - Cagliari
Entre Tortoli et Cagliari se déroulent régulièrement des épreuves de rallyes WRC. Autant dire que nous allons nous « goinfrer » de pistes larges et rapides, toute la journée, jusqu'à plus faim ! Ce sera sans conteste notre plus belle journée de roulage. Les paysages, fantastiques, nous donnerons sans cesse l'impression d'être seuls au monde. Magique ! Sur les sentiers les moins fréquentés l'engagement sera fort et le grip presque inexistant. Une très belle séance de pilotage.
Cette fois c'est Laurent qui manquait à l'appel ce matin. Il a préféré se faire masser à l'hôtel, profiter des eaux chaudes de la Mer Méditerranée avant de tenter de nous rejoindre à la mi-journée. N'y parvenant pas, il sera rejoint à Cagliari par Robert, Frédéric et Ludo qui eux aussi n'avaient plus de « jus » ! Seuls Laurent (l'autre), David et Régis m'accompagneront dans la découverte du Gerrei et du Sarrabus, ces magnifiques provinces semi-arides très ventées et quasi inhabitées situées au nord-est de Cagliari, notre ville-étape.
ÉTAPE 5
Cagliari - Iglesias
Une étape de transition et un groupe en... « décomposition ».
Une piste large tapissée de graviers nous fera pénétrer ce matin dans une relative fraîcheur dans L'Iglesiente, un territoire vallonné typique du sud-ouest de la Sardaigne. Plus loin, les chemins bordés de murets des environs de Santadi qui serpentent entre les cultures et les prairies d'élevage annonceront un apaisement définitif du relief. Ça nous convient parfaitement, nous qui commençons à ressentir nettement la fatigue accumulée depuis notre départ. Mais la chaleur jusque-là supportable augmentée par l'aridité des sols et l'absence quasi totale de végétation dans cette région s'invite à présent dans notre voyage. Le rythme diminue, la qualité de notre pilotage également. Les trajectoires se font moins précises, les obstacles sont franchis avec moins d'aisance.
Au détour d'un virage, le cadavre d'une vache, gonflé par la putréfaction obstrue presque entièrement le sentier gagné par les broussailles. Ambiance...
Quelques coupes bien senties nous permettront d'atteindre assez tôt notre hôtel où nous retrouverons Régis, Robert et Frédéric, sur la côte et à quelques tours de roues d'Iglesias, à Buggerru exactement.
ÉTAPE 6
Iglesias - Alghero
Le moment fort de la journée sera la découverte de Piscinas, le mini Sahara sarde, joyau de la Costa Verde ! De hautes dunes dont certaines dépassent les 60 mètres de hauteur se sont formées ici et pénètrent jusqu’à deux kilomètre en terre. Elles sont parsemées de buissons de genévriers et une immense plage sauvage notée par National Geographic parmi les plus belles au monde invite à la baignade. Quelques paillotes éphémères sont plantées à même la plage. L'endroit parfait pour déjeuner. Tout près de là, un ruisseau ocre-rouge attire le regard. Sa couleur résulte de la présence d'oxydes métalliques provenant d'anciennes extractions minières et charriés par l'eau. Irréel !
Avant d'effectuer la liaison routière qui doit, pour clôturer le RAID SARDE et par une belle route côtière nous mener jusqu'à Alghero, nous nous enfonçons une dernière fois dans le maquis. La chaleur est accablante mais depuis les hauteurs, nous avons une vue imprenable sur Piscinas. Une fois encore, Régis, Robert et Frédéric ont pris directement la route.
Nous passerons notre dernière soirée dans la cité fortifiée d'Alghero, vraiment superbe.
C'était un bien beau voyage.