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ISLANDE

RAID ICEBERG - De feu et de glace

GORANDO - Récit de voyage à moto - Islande

Ce tout petit pays situé tout près du cercle polaire offre aux visiteurs peu frileux, outre un air vif et ébouriffant, des paysages grandioses et absolument fabuleux. Volcans et champs de lave, lacs et glaciers, sources d'eau sulfureuse et bains chauds, prairies vertes et plages de sable noir composent cette terre des extrêmes et pleine de contrastes.

Tandis que dans les pâturages disséminés dans des sols craquelés, fumants et bouleversés par la poussée incessante des entrailles de la Terre les innombrables moutons se disputent en grappes serrées la meilleure herbe, les quelque 360.000 habitants de l'île sont eux presque tous recroquevillés à Reykjavík, la dynamique capitale ou alors ancrés dans de minuscules hameaux côtiers et quelques fermes isolées. Les uns comme les autres doivent lutter constamment contre les éléments, souvent déchaînés.

Quand le ciel s'assombrit, que les nuages déversent sur les plaines, les plateaux, les collines et les montagnes souvent enneigées une forte pluie on pourrait croire à la fin du Monde. Mais quand le ciel s'éclaircit, que le soleil brille et se reflète dans les eaux limpides des torrents, des rivières et sur la crête des vagues marines, on croirait plutôt à sa naissance.

Considérée autrefois comme "Porte des Enfers", l'Islande se mérite. Choisir de s'y rendre ne s'improvise pas.


GORANDO - Récit de voyage à moto - Islande

En route pour l'Islande...

C'est à Aabenraa, au sud du Danemark que je vais rencontrer pour la première fois physiquement mes compagnons de voyage. Venant tous trois de France, nous nous sommes donnés rendez-vous ici, dans cette petite station balnéaire verdoyante située sur les rives paisibles de la Mer Baltique. Aabenraa constitue une bonne halte pour ceux qui souhaitent se rendre en plusieurs étapes au port d'Hirtshals afin d'y prendre le ferry pour les Îles Feroe et l'Islande. Je leur recommande le Sandskaer Strandcamping d'Aabenraa, calme, bien équipé et peu onéreux.

En ce milieu de matinée, je me rend au centre du village. Un long ponton en bois s'étire depuis la plage sur la Mer Baltique. Il fait bon, le soleil brille et le vent est totalement absent. Quelques baigneurs, le bonnet de bain bariolé sur la tête plongent dans les eaux fraîches et calmes de la baie.

Arrivent au loin Arnaud et Jean-Philippe qui ont déjà fait un bout de route ensemble pour parvenir jusqu'ici. Ils stationnent leur moto près de la mienne. Très vite nos regards se portent sur la moto de "l'autre". Choix de la monture, l'autonomie, les accessoires indispensables et ceux, plus de confort, les sacs et sacoches... Tout y passe et les questions fusent. Il est vrai qu'entre la très légère KTM 690 Adventure de Jean-Philippe et la BMW 1200 GSA impressionnante et bardée d'accessoires d'Arnaud, il y a un Monde... et ma KTM 1190 Adventure R. Avec leur monte pneumatique adaptée, toutes trois devraient permettre à leur pilote de prendre du plaisir, et c'est bien là l'essentiel.

Nous prenons la route en direction d'Hirtshals, petite ville portuaire située tout au nord du Danemark. C'est de là que demain nous partirons vers l'Islande. La Compagnie Maritime Smyril Line assure la liaison entre le Danemark, les Îles Feroe et l'Islande. Nous embarquerons sur le Norröna.

Nous avons retenu une nuitée à l'hôtel Strandlyst d'Hirtshals, situé tout près du complexe portuaire et occupé essentiellement par des voyageurs en partance ou en provenance des Îles de l'Atlantique-Nord et des pays du Nord de l'Europe. Excités à l'idée de prendre le bateau le lendemain et un peu stressés aussi, ne sachant pas quelle météo nous sera réservée durant la traversée, nous peinerons à trouver le sommeil.

11h30. Le Norröna largue les amarres. Nous avons solidement arrimé nos motos, serrées les unes contre les autres à fond de cale. C'était la foire d'empoigne. Les sangles mises à notre disposition étaient peu nombreuses, peu pratiques également et nous devions faire vite car les véhicules à quatre roues étaient eux aussi chargés et rapprochés le plus possible. Nous avons dû nous contorsionner pour parvenir à nous dégager de là, chargés de nos lourds bagages, afin de parvenir jusqu'à l'ascenseur menant aux ponts supérieurs et aux cabines.

La traversée va se dérouler contre toute attente dans un calme absolu. Jamais l'Atlantique-Nord ni, plus tard la Mer du Groenland n'auront voulu nous faire la démonstration de leur puissance, encore moins de leur possible déchaînement pourtant coutumier. Durant toute la traversée nous aurons pu profiter du soleil qui, jusqu'à notre arrivée à proximité de l'Islande ne nous aura pas quitté. Nous avons été tout autant surpris de pouvoir étaler notre carte de l'île à-même le sol métallique du pont le plus haut du bateau sans devoir la cramponner pour ne pas qu'elle s'envole. Incroyable !

Passées les Îles Shetland au nord de l'Écosse notre bateau s'est dirigé vers les Îles Feroe, archipel autonome du Royaume du Danemark. C'est dans un mouchoir de poche qu'au petit matin du second jour de notre traversée le Norröna est parvenu à faire un demi-tour et à se mettre à quai dans le minuscule port de Tórshavn. Sur une petite péninsule, la vieille ville, Tinganes, regorge de maisons en bois avec des toits en herbe. Le dépaysement était déjà total ! Rapidement nous avons repris la mer.

Terre, terre ! Sous un ciel changeant (!) nous effectuons nos premiers tours de roues sur le sol islandais, sitôt débarqués du Norröna, dans le port encaissé de Seyðisfjörður. Mais très vite, le soleil va faire son apparition. Il ne nous quittera pratiquement plus de tout le voyage, puisque nous ne comptabiliserons qu'une seule vraie journée de pluie sur les 14 jours de présence sur l'Île.


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Étape 01

Comme beaucoup d'autres voyageurs fraîchement débarqués, nous nous ruons sur le premier distributeur de couronnes islandaises aperçu. Échec partiel à Seyðisfjörður. À Egilsstaðir nous parvenons à, tous trois, retirer quelques précieux billets. Après quelques achats de nourriture et le plein des motos fait, nous partons enfin découvrir le pays en long, en large et en travers.

Alors que pratiquement tous les autres véhicules se dirigent vers le sud par la route goudronnée côtière N°1 qui fait pratiquement totalement le tour du pays au plus près de l'océan, nous, nous prenons la direction opposée. Nous allons longer dans un premier temps le lac Lögurinn chargé de limon glaciaire.

Très vite, c'est le premier "touché de piste". Argh ! Que c'est bon...
Une première gravel road (931) presque rectiligne nous permet de nous "faire les dents" et à nos motos de se "faire les crampons". Le revêtement façon tôle ondulée calmera cependant nos ardeurs.

En amont du lac Lögurinn se trouve, tout près de la piste, les chutes d'eau de Litlanesfoss et d'Hengifoss. Elles sont entourées de colonnes de Basalte d'une centaine de mètres de hauteur et le sentier qui y mène est vraiment pentu. C'est là notre première randonnée pédestre avec, aux pieds, nos lourdes bottes de moto. Et l'herbe grasse rend la progression assez périlleuse, que cela soit en montée ou en descente.

Nous poursuivons par la piste 910. Les choses sérieuses peuvent commencer !
Vous entendez le clapotis de l'eau ? Nous, nous allons l'entendre partout, tout le temps. Le vent, aussi...
Première appréhension au moment de franchir notre premier gué. Nous en traverserons 53 significatifs durant notre périple ! C'est bien plus que le nombre de villages que nous découvrirons et infiniment plus que le nombre de véhicules que nous croiserons chaque jour. Aujourd'hui, ces derniers se compteront sur les doigts d'une seule main et ce sera presque un record.

Premier bivouac sur le sol islandais. Initialement pointé à l'aide de GoogleEarth sur ce qui me semblait être un joli promontoire plan et lisse au débouché de la piste F907 mais qui en réalité s'est avéré être un véritable "champ de cailloux", il a dû être légèrement déplacé vers un espace tout proche et plus approprié, là, tout au bord de ce ruisseau moussu, à deux tours de roues du lac Sænautasel.

BON À SAVOIR : En Islande, il est strictement interdit de rouler hors des pistes ! Un guide-moto local croisé dans une station-service de Reykjavík au guidon d'une Husqvarna 701 bardée de réservoirs d'essence pour en augmenter l'autonomie nous a ainsi indiqué, preuve vidéo à l'appui que le contrevenant se verrait infliger une forte amende... l'équivalent en couronnes islandaises de 1500€ !
Et n'espérez-pas passer inaperçu en enfreignant cette règle... car le sol islandais, souvent d'apparence pourtant dur et rocailleux, "marque" énormément. Il est comme "croûté" en surface et "moelleux" en profondeur.

Premier planté de tente aussi. Les sardines vont souffrir tant le sol est impénétrable. Le vent glacial souffle fort et très vite, Arnaud se rend compte qu'il n'a peut-être pas fait le bon choix. Il est presque emporté par la toile de sa tente à chaque bourrasque. Je m'étais pour ma part documenté avant d'acheter la mienne. Sur Internet, j'avais vu qu'il y avait un loueur de matériel de camping sur l'île. En regardant de plus près les produits qu'il proposait, je suis parvenu à découvrir la marque de ses tentes. Supposant qu'il avait fait un choix raisonné, je me suis tout naturellement orienté vers le même matériel. Bonne pioche ! Pour bivouaquer en Islande, il est donc préférable d'acquérir une tente auto-portée offrant la possibilité de monter le double-toit étanche sans même avoir monté la toile intérieure respirante, de sorte que s'il pleut, cette dernière puisse rester sèche. Pas bête !

Première vraie popote enfin. Là aussi, par grand vent, ça aura été du sport ! Nous avons été obligés de créer une sorte de pare-vent en pierres pour protéger le... pare-vent métallique qui protégeait le... réchaud. Mais bon, que la soupe chaude était bonne ! Et que la nuit aura été glaciale...


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Étape 02

La bonne gestion du carburant est primordiale en Islande. Les stations à essence sont rares et il ne s'agit pas de tomber en panne au milieu de nulle part. Hier, en fin de journée, au moment de quitter la piste F907, nous avons donc effectué un petit crochet d'une quinzaine de kilomètres afin de rejoindre la route N°1. J'avais repéré une pompe à essence automatique. Elle était bien là. Ouf !

Le plein fait à ras bord, nous nous engageons sur la piste F905, azimut plein sud. Elle est assez cassante, couverte de pierres anguleuses et bordée de tout petits talus où sont plantés à espaces réguliers des piquets de jalonnement. C'est habituel en Islande. Tout comme il est fréquent de voir, en entrée de piste des panneaux renseignant sur son état, sur les types de véhicules pouvant s'y engager au regard de la profondeur des gués à franchir.

Au loin, sur notre droite, se trouve le mont Herðubreið au sommet recouvert de neige. Il est totalement isolé et constitue un bon repère visuel.

Des gués profonds doivent être régulièrement franchis. Chaque fois, nos bottes se remplissent un peu plus d'eau glaciale et de boue volcanique sombre.

Après un déjeuner pris au soleil près d'un torrent tumultueux nous ne tardons pas à rejoindre la piste F910. La fameuse piste F910, extrêmement sablonneuse. Alors que je parviens tant bien que mal à progresser sans tomber, Jean-Philippe et surtout Arnaud se vautrent à plusieurs reprises. Mais c'est sans conséquences fâcheuses, heureusement. Une bonne séance de roulage en tout cas, où l'expression "mettre du gros gaz" prend tout son sens. C'est en effet le seul moyen de, tel un Zodiac sur le clapot, "déjauger" et s'extirper de cette "mer" de sable noir.

Auparavant nous irons voir de près le glacier Kverkjokull. Les pistes qui y conduisent (F902 - F903) comportent des veines de sable rouge, superbes. En haute altitude, la brume, très humide et glaçante ne laisse qu'épisodiquement l'incroyable diversité du relief apparaître. Lorsque c'est le cas, il faut vite saisir l'instant. Les circonvolutions d'un torrent, un névé, l'eau laiteuse d'une rivière... Tout n'est alors que surprise et émerveillement.

C'est ensuite par la piste F88 que nous remontons plein nord. La fin d'étape approche et la fatigue commence à se faire sentir. Il est temps de trouver un bon emplacement pour bivouaquer. Une zone plane, herbeuse et peu ventée se présente, juste après un gué très large et assez profond. Ça pourrait convenir... Sauf qu'au moment de prendre en photos Jean-Philippe et Arnaud durant leur traversée, je suis littéralement attaqué par des milliers de mouches agressives. C'est bien simple, pour parvenir à faire mes clichés je suis obligé de tendre les bras car si je tenais mon appareil photos près de mon visage, elles ne cesseraient de passer devant l'objectif. Donc finalement non, nous ne pourrons pas planter la tente ici.

Plus loin, sur la gauche, je repère l'entrée d'un cratère volcanique effondré. Il s'agit du volcan Hrossaborg. L'endroit semble idéal. Quand on sait qu'en Islande les bivouacs "sauvages" ne sont pas autorisés dans les parcs nationaux, qu'ils ne sont tolérés dans le reste du pays que loin des habitations, jamais en-dehors des espaces visiblement et régulièrement foulés... ça laisse peu de place à l'improvisation. Pour le bivouac de cette fin d'étape, les motos resteront donc sur la surface damée de ce cratère de volcan servant visiblement de zone de stationnement et nos tentes seront plantées juste à côté, là où l'herbe rase parvient à pousser fébrilement.


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Étape 03

Nous quittons le cratère du volcan Hrossaborg de bonne heure et de bonne humeur. Il est vrai que bien abrités du vent, nous y avons passé une excellente nuit. Même si ce matin il a fallu gratter le givre recouvrant les selles de nos motos et secouer énergiquement nos toiles de tentes pour en évacuer les cristaux de glace avant de pouvoir envisager de les plier.

La route N°1 n'est qu'à quelques centaines de mètres. Nous l'empruntons vers l'est sur trois kilomètres environ puis nous bifurquons à gauche sur la piste 868, facile mais pénible. Elle est toute en tôle ondulée et nous n'arrêtons pas de louvoyer, à la recherche du moindre tronçon lisse. Premier objectif de la journée : Aller découvrir les impressionnantes chutes d'eau de Dettifoss et de Hafragilsfoss, dans le canyon de la Jökulsá River. Le vent lève des nuages de fine bruine qui, avec le soleil créent de magnifiques arcs-en-ciel. Le bruit est assourdissant. Il faut marcher longtemps pour se rendre au plus près des cascades mais c'est vraiment spectaculaire.

Toujours plus au nord et toujours par la piste 868, nous parvenons à l'estuaire de la Jökulsá River, à Skinnastaðir exactement. Un pont suspendu anachronique permet de le traverser. Nous prenons donc à gauche la route goudronnée N°85 et quelques kilomètres plus loin, nous repiquons au sud par une nouvelle piste, la 862. Elle mène tout d'abord au cirque naturel d'Asbyrgi. Dans un écrin de verdure et presque à couvert, un sentier mène les visiteurs jusqu'à un bassin aux eaux cristallines. Plus au sud encore, nous faisons un nouvel arrêt, au site de Hjóðaklettar. Des rochers faits de roches basaltiques aux formes hexagonales régulières sont à découvrir. Une vraie curiosité.

Nous quittons bientôt la piste 862 au profit d'un chemin terreux, non numéroté et qui va nous permettre de traverser un vaste plateau couvert de buissons rabougris. Un vrai régal ! Le chemin assez technique est comme enfoncé dans le sol souple et non pierreux. C'est un peu comme lorsqu'on lance une bille dans une rigole. Dans chaque virage nous prenons appui sur les bords relevés du chemin. Vraiment un bon moment de roulage.

Le chemin débouche sur la route N°1 qui va nous conduire à l'ouest jusqu'au cratère de Krafla Viti. Un lac aux eaux turquoises s'est formé au fond.

J'avais envisagé un bivouac dans les environs mais ce n'est pas possible. Les complexes géothermiques sont ici nombreux, tout comme les interdictions. Nous décidons donc d'aller passer une nouvelle nuit dans le cratère du volcan Hrossaborg. Et finalement ça nous va très bien.


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Étape 04

La journée débute par la découverte du site géothermal de Hverarönd. Au pied d'une colline ocre-jaune, Námafjáll, des geysers crachent de la vapeur d'eau bouillante, des bulles de gaz aux senteurs d'oeuf pourri s'échappent des marmites de boue, les ruissellements d'eau chaude sont partout. C'est sans doute le site géothermique le plus intéressant et photogénique du pays.

Autre ambiance, autres teintes, nous allons maintenant randonner jusqu'au sommet du cratère circulaire Hverfjall en empruntant un chemin qui grimpe fort et qui nous guide vers ce joyau volcanique, l'un des mieux préservés au Monde. Il est parfaitement dessiné et il est possible d'en faire le tour complet. Il est doublé en son centre d'un dôme lui aussi aux proportions impeccables. Des mouches en grand nombre semblent apprécier pas tant le point de vue que nos visages en sueur. Comme il fait plutôt chaud, nous utilisons les blousons que nous avons retirés pour tenter en vain malheureusement de chasser ces sales bestioles.

Sur la route N°1 qui nous mène cette fois vers le parc de Dimmuborgir, nous prenons le temps d'admirer les rochers aux allures de pop-corn bordant le lac Mývatn. Le parc de Dimmuborgir se visite à pied. Des allées sillonnent le site. Au détour de l'une d'elles on peut découvrir une arche volcanique bien conservée.

Nous achevons notre tour du lac Mývatn pour prendre ensuite plein nord, l'idée étant de rejoindre Húsavík, un petit village de pêcheurs d'où partent des embarcations pleines de touristes désireux d'aller caresser au moins du regard les baleines. Avant d'atteindre Húsavík, nous devrons traverser un épais brouillard qui ralentira considérablement notre progression, sur plusieurs dizaines de kilomètres.

Après un bon déjeuner en terrasse et une balade digestive sur le port, nous reprenons la route puis la piste en direction du sud cette fois. L'objectif à présent étant d'aller voir les chutes de Goðafoss. Décrivant un arc de cercle, elles sont accessibles depuis les deux rives. Nous choisissons la rive droite afin de profiter d'une belle lumière et , surtout, pour ne pas être trempés par la bruine qui s'en dégage.

Toujours plus au sud, le canyon Aldeyjarfoss n'attend que nous. Alors allons-y ! Il est lui aussi impressionnant. Depuis les hauteurs, on aperçoit des colonnes de Basalte qui semblent molles mais qui pourtant sont dures comme de la pierre (!). Elles bordent un torrent vrombissant. Celui-là même que nous avions vu aux chutes de Goðafoss.

Il se fait tard. Encore quelques dizaines de kilomètres de pistes poussiéreuses et nous stoppons nos machines. L'endroit est paradisiaque. Sauf que là, il fait carrément frisquet. Peu importe. Nous avons maintenant l'habitude et un bon bain tonique dans un ruisseau partiellement gelé ne nous fait plus peur.

Comme chaque soir ce sera soupe lyophilisée, plat cuisiné en sachet, pain de mie, charcuterie, fromage en tranches et compote pour le dessert.


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Étape 05

Le centre de l'Islande est lunaire. Et c'est là que nous sommes actuellement. Depuis notre départ et dans notre lente progression, des torrents glaciaires nous barrent régulièrement le chemin. On les devine de loin, bordés de quelques pousses étranges et moussues. Dans ces paysages hostiles et si l'on tient compte des arrêts photos, nous ne pouvons pas espérer parcourir plus de 35 kilomètres par heure...

Et sans cesse deux questions taraudent nos esprits gelés : Aurai-je assez d'essence ? Pourrai-je franchir tous les gués des pistes "F" ? Dans les faits, ces deux questions sont intimement liées. Si j'ai assez d'essence pour faire l'étape du jour mais si, à quelques kilomètres du bivouac de fin de journée un gué infranchissable se présente... comment faire ? Il faut prévoir en essence une autonomie de 400 à 450 kilomètres, c'est un préalable. Elle permettra de traverser de part en part le pays. Et en jonglant bien avec les stations à essence, toutes les pistes "F" seront envisageables. Mais si un gué infranchissable comme indiqué parfois sur les panneaux de signalisation se présente... il faudra prévoir beaucoup plus.

À plusieurs il est souvent possible d'alimenter en essence les motos ayant la plus faible autonomie avec le précieux liquide contenu dans les réservoirs de celles qui transportent la plus grande quantité de carburant. Prévoir alors un bout de tuyau...

On entend souvent dire que l'Islande, c'est le "pays de glace et de feu". Il ne faut pas oublier l'eau, omniprésente. Envisager un voyage en Islande trop tôt en saison (fin juin - début juillet), c'est prendre le risque d'être confronté à une fonte printanière des neiges tardive. Prévoir le voyage trop tard (fin août - début septembre), c'est s'exposer à celui des pluies automnales et des chutes de neige précoces. À vous de voir... car dans les deux cas, les gués gonfleront et deviendront la plupart du temps infranchissables....

Les paysages désertiques que nous allons sillonner ce matin, où lacs de cratères aux eaux turquoise et sources soufrées se détachent nettement d'un environnement totalement minéral contrasteront avec les collines et falaises verdoyantes des fjords faisant face à la Mer du Groenland que nous découvrirons en deuxième partie de journée, tout au nord du pays. L’Islande surprend autant qu'elle émerveille. Et ce n'est que le début !

Aujourd'hui sera à mon avis la plus belle étape de notre voyage.

Plein nord pour commencer. Nous quittons notre campement par la piste F26, puis nous tournons très vite à gauche. Quelques kilomètres vers l'ouest sur la F881, balayée par un fort vent du sud et nous tournons à droite cette fois, sur la F821. Nous n'allons plus la quitter jusqu'à retrouver la civilisation, environ 75 kilomètres plus au nord.

La piste F821 est vraiment remarquable. Elle longe un ruisseau d'altitude qui, au fur et à mesure que nous descendons vers la vallée grossit, alimenté par d'autres tout petits cours d'eau que sans cesse nous traversons. Quelques fermes isolées animent le paysage, tout est absolument magnifique.

Peu avant d'atteindre la ville côtière d'Akureyri, nichée au fond d'une anse de la Mer du Groenland, nous faisons un arrêt pour aller admirer l'une des rares églises du pays construites entièrement en tourbe.

La ville d'Akureyri est dépassée et nous nous engageons maintenant sur la route N°82 bordant le littoral. Nous prenons notre temps. Rien ne nous presse. Il fait grand beau et le vent ne souffle pratiquement pas.

La route s'enfonce bientôt dans la montagne. Un long tunnel à double sens mais ne comportant qu'une seule voie de circulation va nous permettre de franchir le massif. Heureusement, des zones de croisement ont été prévues. Tantôt nous avons la priorité sur les véhicules venant d'en face, tantôt c'est l'inverse. Il suffit de suivre les indications inscrites sur des panneaux. Il fait un froid polaire dans ce tunnel, non éclairé, et à l'approche de la sortie, le vent qui s’engouffre dans le fin boyau est vraiment violent.

La route N°82 se transforme bientôt en piste. Les paysages côtiers sont faits de buissons assez petits et cramponnés au sol rocailleux. Des moutons, souvent assemblés en triplettes broutent l'herbe rase et traversent régulièrement la piste sans regarder, ni à gauche, ni à droite.

Nous choisissons de faire une pause café dans le surprenant petit village de Hofsós. Dans le port, minuscule, un bâtiment officiel a été construit là pour accueillir les nouveaux arrivants sur l'île et désireux d'y poser leur baluchon. Une sorte de bureau de l'immigration.

Un peu plus loin, au beau milieu d'une prairie a été édifiée la toute petite chapelle de tourbe de Grafarkirkja. Elle est bien protégée des intempéries, blottie dans son enclos circulaire de tourbe. On y accède par un portillon de bois. L'endroit est charmant.

Nous nous enfonçons un peu dans les terres afin de trouver l'endroit idéal pour passer la nuit. C'est dans une forêt mêlant feuillus et conifères que nous allons trouver notre bonheur, au bout d'un chemin menant à un enclos à bestiaux. De là, nous aurons une belle vue sur la côte, au loin.


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Étape 06

C'est tôt le matin que les sites remarquables d'Islande se visitent. Dans les highlands, le ciel est la plupart du temps pur, la visibilité et la lumière sont très souvent parfaites, le sous-sol se réveille. Sur la côte, c'est différent. La brume peut être tenace, les coups de vent sont fréquemment forts. C'est ce spectacle que la nature nous offre au moment de quitter notre campement en forêt. Dos au soleil, nous pouvons admirer un superbe arc-en-ciel sur la Mer du Groenland. La journée s'annonce bien !

Le nord de l'Islande, tout de vert et de bleu, recèle de magnifiques paysages délaissés à tort par les visiteurs. Quelques habitations colorées, bardées et couvertes de tôles peintes peinent à se détacher de ces horizons multiples et grandioses.

En ce début de journée, les fjords se dévoilent sous nos yeux ébahis et un soleil radieux. Un spectacle extraordinaire va nous être offert. Depuis la falaise et alors que nous contemplons la Mer du Groenland, une baleine et son rejeton apparaissent là, tout près de la côte. Le baleineau exécute des pirouettes aériennes, pour notre plus grand plaisir.

Peu avant Sauðárkrókur nous prenons la direction du sud par la route N°75. À quinze kilomètres environ se trouve le hameau de Glaumbær, véritable musée à ciel ouvert. S'y trouvent une charmante chapelle en bois dans son enclos ainsi qu'un alignement de maisonnettes d'artisans, toutes en murs de briques de tourbe chevronnées et aux toits végétalisés.

À présent nous allons faire le tour complet de la péninsule de Skagatá, battue par les vents glacés de la Mer du Groenland. À son extrémité a été édifié un phare. Autour de lui on peut observer les ruines d'un très ancien village de pêcheurs, assez peu abrité. L'endroit est spongieux et il est préférable de rester sur la piste, très large. Heureusement car le vent nous bouscule de gauche à droite et il est impossible de garder une trajectoire régulière.

Nous quittons définitivement la côte nord de l'Islande à Blönduós et là va débuter une longue traversée du pays par les highlands. Elle durera deux jours. Le plein de nos machine a été effectué, alors gaz !

Par la route N°731 puis ensuite par la piste 35 nous nous enfonçons dans les terres... Enfin non... Dans les pierres ! La piste 35 rétrécie et elle devient très cassante. Compte-tenu de l'environnement, très hostile, nous nous mettons en quête assez vite d'un lieu propice au bivouac. Ce n'est pas simple. Très peu de petites pistes secondaires desservent les reliefs où il nous serait possible de nous mettre à l'abri du vent et il n'est pas envisageable de stationner sur la piste 35, trop exposée. Pendant plus de deux heures nous allons progresser sans vraiment prendre plaisir à rouler tant nos esprits sont occupés à trouver l'endroit idéal pour y planter nos toiles de tentes. À l'approche d'un chantier, nous décidons de faire demi-tour. J'ai repéré plus avant un chemin abandonné mais encore suffisamment matérialisé au sol pour que nous ne risquions pas d'être verbalisés au motif d'avoir fait du hors-piste. Ce bivouac n'aura pas été, c'est certain, le plus bucolique.

Jean-Philippe "mécaniquera" un peu ce soir, attaqué par une myriade de moucherons. Arnaud, lui, se dira que le nettoyage du filtre à air de sa moto attendra bien demain. Amusé, je me contenterai d'observer.


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Étape 07

Nous ne nous attarderons pas ici ce matin. Partout, il n'y a que des cailloux. Par la piste 35 nous poursuivons notre progression vers le sud. Ce soir, nous dormirons confortablement et au chaud à Reykjavik.

Un premier arrêt est prévu à Hveravellir. Un sentier permet d'y découvrir des sources d'eau chaude. Quelques moutons déambulent entre les bassins fumants et semblent apprécier la vapeur soufrée des geysers volcaniques. Atmosphère de fin du Monde...

Nous poursuivons notre chemin jusqu'à Ásgarður, dans le parc Kerlingarfjöll. Le site est vraiment très beau. Une piste en cul-de-sac mène à plusieurs points de vue. Les méandres d'une rivière ont fini par creuser un profond canyon. Le vert vif de l'herbe moussue tranche avec le brun-noir des roches et, plus en altitude, des plaques de neige reflètent la lumière du soleil. Nous sommes éblouis !

Nous piquons à présent au sud-ouest. Nous faisons un nouvel arrêt, cette fois aux chutes d'eau de Gullfoss. L'endroit est très touristique mais le panorama est dégagé. Plaisant, mais sans plus. On commence à ressentir la proximité de la capitale. Les routes goudronnées sont maintenant presque systématiques, rendant les lieux de visites plus facilement accessibles aux visiteurs. Plus loin nous renoncerons même à stopper pour aller voir les geysers de Stokkur. Trop de monde, vraiment. Mais quelques kilomètres plus au sud, nous prendrons le temps de déjeuner au bord de la rivière glacière Hvita, puissante, décrivant une sorte de "S" serré entre de gros blocs de roches volcaniques. Tout à coup, un bateau à moteur faisant un bruit d'enfer passe à toute vitesse juste devant nous dans les gorges étroites. Impressionnant !

À Selfoss, petite ville située à environ cinquante kilomètres de Reykjavik nous sommes détournés. Un pont est en travaux. Je parviens sans même devoir m'arrêter à trouver sur mon GPS une solution pour contourner l'obstacle et j'improvise avec plus ou moins de bonheur une trace, au cap.

À Reykjavik, nous avons réservé un petit appartement, à l'étage d'une habitation particulière. Les motos sont stationnées en sécurité, juste en-bas dans le jardin clôturé. Nous nous trouvons à quelques centaines de mètres du centre-ville, c'est parfait. Nous irons en fin de journée déposer notre linge sale au pressing et nous le récupérerons demain, propre et sentant le frais.

À pied nous nous rendons en soirée dans le quartier animé d'Ingolfstorg. Les bars, les restaurants affichant pour certains leurs couleurs arc-en-ciel pullulent ici. L'ambiance est jeune. Un chouette endroit. Mais que c'est cher ! Il faut compter au minimum l'équivalent de vingt-cinq euros pour un simple fish & chips ! Nous dînerons en terrasse, au soleil.


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Étape 08

Partons ensemble à la découverte de Reykjavik...

Côté mer - Reykjavik, la capitale de l'Islande, regroupe à elle seule l'immense majorité des habitants de l'île. L'activité portuaire, jadis florissante, a laissé place aujourd'hui à celle, plus lucrative du tourisme. Ainsi, les bâtiments du port de pêche ont-ils été en grande partie réhabilités et transformés en autant de galeries d'art, de lieux de rencontres, bars et restaurants, en hôtels, en magasins de souvenirs. Mais rien n'est dénaturé.

À quelques centaines de mètres seulement de notre hébergement se trouve le chantier naval. Deux gros chalutiers sont en réparation. Plus loin, à quai, un vieux gréement côtoie la vedette garde-côtes.

Côté terre - Reykjavik est une ville animée. Durant l'été, ses habitants profitent du moindre rayon de soleil pour, par exemple, sortir bronzer, allongés sur une serviette de plage posée à-même le trottoir, pour boire et manger en terrasse, pour écouter de la musique reggae (!?), pour flâner. Le "vieux" Reykjavik se visite à un rythme nonchalant. On y découvre des maisons colorées faites de tôles, aux fenêtres de bois usées par les intempéries mais toujours de larges dimensions pour laisser entrer un maximum de lumière. Quand on voit la faible épaisseur des murs des habitations, on devine que la géothermie doit largement contribuer à chauffer les intérieurs...

Après le grand tour du bassin de Tjörnin et la découverte des principales rues et ruelles du centre historique de la ville, nous pousserons jusqu'à la sculpture intitulée Sólfar - Le Voyageur du Soleil, en islandais - qui se trouve sur le bord de l'ancien port de la capitale. Elle a été réalisée en 1990 par Jón Gunnar Árnason. En acier, elle évoque la silhouette d'un bateau viking. Au loin, l'imposante église Hallgrimskirkja à l'architecture moderne se détache dans le ciel.

Le soleil ne nous aura pas quitté et c'est en tenue légère que nous aurons pu profiter pleinement de notre journée de repos. En soirée, nous irons la terminer en beauté sur le port, attablés près d'un food-truck proposant là encore outre de bonnes bières le seul plat qui soit vraiment abordable, le fameux fish & chips !


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Étape 09

Propres comme des sous neufs, nous allons aujourd'hui vadrouiller en matinée non loin de Reykjavik avant de prendre franchement la direction du sud de l'île en fin de journée.

Nous nous rendons tout d'abord au bout de la péninsule de Reykjanes où se situe l'aéroport international. Plusieurs phares ont été construits ici à Garður. On accède au plus petit en empruntant une digue quand le plus grand est lui, planté dans un espace vert. Un chalutier à échoué là également. Comme souvent dans de tels lieux, la statue d'une fisherman's lady financée sans doute par les notables de la ville voisine ou les pêcheurs eux-mêmes rend hommage aux marins disparus en mer.

Par la route toujours, nous poursuivons jusqu'au Nesvegur Bridge. À cet endroit, une passerelle a été construite au-dessus d'une faille géologique. Elle marque la séparation des plaques eurasienne et américaine.

Un peu plus loin, nous allons admirer la plage de sable noir de Sandvík. On y accède par un chemin sinueux plutôt technique qui contourne une lagune.

Quelques kilomètres encore et nous atteindrons le point le plus à l'ouest de notre périple. Nous passons tout près de Blue Lagoon, le complexe géothermique très connu et très touristique aussi où il est possible de prendre un bain dans un immense bassin d'eau chaude à ciel ouvert. C'est en traversant littéralement un champ de lave volcanique que nous sommes parvenus jusque là.

Plus tard en journée et peu après Hella, nous quittons la route N°1 pour nous diriger par la piste au nord-est jusqu'au site de Pjófafoss. Le paysage est lunaire et les roches acérées grignotent allègrement les crampons de nos pneus. Une rivière encaissée effectue là une sorte de virgule et les eaux boueuses viennent ronger la falaise. Le bivouac est prévu à cet endroit. Sauf que cela ne va pas être possible. Le vent souffle tellement fort qu'il est presque dangereux de se tenir debout pour admirer le panorama. Quant à planter la tente...

Demi-tour, donc. Comme chaque jour, même sans en parler à mes compagnons de voyage, je scrute les quelques dizaines de kilomètres qui précèdent les lieux envisagés pour y passer la nuit, je mémorise les moindres entrées et sorties de pistes secondaires, voire oubliées, au cas où... Cette fois, nous nous réfugierons derrière le talus et des rochers repérés non loin de là, dans un espace boisé et près d'un ruisseau. Pas mal ! Le plus difficile aura été de trouver dans ce couvert végétal providentiel un espace suffisamment plat et grand pour que chacun puisse y faire son nid. L'endroit est exiguë mais les arbres ont été compréhensifs et nous ont laissé une petite place. Le tarp coupe-vent sera fixé tant bien que mal afin de nous protéger des courants d'air, le temps de dîner.


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Étape 10

Grises, brunes, parfois d'un rouge profond, noires ou encore couleur sable blond, les pistes islandaises vont, toute la journée se dérouler devant nous à l'infini. Le plaisir de piloter est toujours intense et nous ne sommes jamais rassasiés de leur beauté. Un conseil : Ne roulez jamais en Islande avec un masque teinté ou une visière fumée. Ce serait vraiment dommage de ne pas profiter pleinement de l'immense palette graphique déployée ici...

La journée débute par un crochet vers les chutes d'eau de Hjálparfoss. Semblables à beaucoup d'autres, elles restent cependant sacrément impressionnantes. Tout comme le saumon qu'un pêcheur vient de sortir sous nos yeux, aidé en cela par un compère qui n'a pas hésité à prendre de gros risques pour aller attraper à mains nues le poisson qui gigotait hors de l'eau, pendu au fil de nylon. Chapeau !

Nous revenons un peu sur nos pas et, très rapidement, nous quittons la route N°26 au profit de la "cultissime" piste F225 ! Elle est extraordinaire cette piste. Les paysages y sont d'une infinie diversité et, par chance, le temps est parfaitement dégagé. Un vrai bonheur. Victime de son succès, elle est assaillie par un nombre assez important de 4x4 mais peu importe, il y a de la place pour tous et les occasions de se sentir seuls au Monde restent très nombreuses.

Après avoir parcouru plus de cinquante kilomètres, nous retrouvons temporairement la piste 208, plus large. Puis nous bifurquons à droite sur la piste F224. Elle aboutie en cul-de-sac à Landmannalaugar. Un parking encombré de véhicules jouxte un gué très profond. Sur l'autre rive, un camping est implanté. Quelques véhicules fortement rehaussés avec, au volant, des conducteurs chevronnés parviennent à traverser la rivière, de l'eau jusqu'au pare-brise. Une passerelle autorise le passage piétonnier. L'endroit est plutôt moyen. Nous préférons ne pas nous attarder. Nous prenons cependant le temps de discuter avec un couple de voyageurs à moto qui nous avoue avoir beaucoup de difficultés à progresser en duo sur les pistes intérieures du pays. Comme on les comprend...

Encore plus de 80 kilomètres de la belle piste F208 nous attendent. Nous nous rendons compte qu'avant d'envisager de poursuivre notre périple demain, il nous faut trouver de l'essence avant ce soir. Un crochet d'une vingtaine de kilomètres aller, et autant pour le retour est impératif. Argh ! C'est seulement sur la route N°1 que nous trouverons à faire le plein.

Autre problème... Il est maintenant trop tard pour nous rendre jusqu'au lieu de bivouac initialement prévu. Nous nous engageons alors dans un chemin qui grimpe dans la montagne, en serpentant dans de vastes prairies. Je devine un espace plan, à l'écart des habitations et rasibus un ruisseau. Bingo ! L'endroit est idyllique. Nous passerons ici l'une des plus belles soirées du voyage.


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Étape 11

C'est presque à regret que nous quittons notre campement ce matin. Il était tellement plaisant... Mais bon, le voyage continue !

La piste mythique F210 va nous jouer des tours aujourd'hui, au point de nous obliger à rouler sur le goudron sur de longs kilomètres. Pourtant, tout avait bien commencé, l'idée étant de contourner par le nord le parc Katla et le glacier Mýrdalsjökull.

Une trentaine de kilomètres seulement après notre départ et après avoir déjà traversé un nombre incalculable de gués, l'un d'eux, infranchissable se présente sous nos roues. Pas de chance, vraiment. Après concertation, nous décidons bien sûr de faire demi-tour et d'aller rejoindre la piste au plus près de ce point, en face, soit un crochet de près de cent cinquante kilomètres à faire, essentiellement sur le bitume ! Alors il ne faut pas tarder. C'est parti !

Peu après la petite ville d'Hvolsvöllur nous nous engageons comme prévu à rebrousse-poil sur la F210. Mais une fois encore, rien ne va se passer comme prévu. La piste est vraiment très technique, les gués encore plus nombreux et voyant les heures défiler, nous préférons à nouveau faire demi-tour. Pour nous consoler, nous nous disons que nous serons tout de même parvenus à faire plus de la moitié de la longueur de la piste F210... Deux fois en comptant les demi-tours !

Peu après Hvolsvöllur que nous traversons pour la seconde fois, nous nous recalons sur la trace, dans le bon sens, pour ne plus la quitter. Elle nous fait frôler le littoral, avant de repiquer dans les terres.

Cette fois il est vraiment très tard. Nous abandonnons l'idée de nous arrêter aux cascades de Seljalandsfoss et de Gljúfrabúi et préférons trouver très vite un endroit pour dormir et reporter ces visites à demain. Je prendrai cependant le temps de faire une photo de la première, les touristes étant peu nombreux à cette heure tardive. De plus, la lumière est parfaite.

Quelques centaines de mètres après les deux sites touristiques, un chemin part à droite et grimpe fortement vers la montagne. À mi-pente, j'observe sur la droite une sorte de carrière protégée semble-t-il des vents marins. C'est là que nous allons nous poser, exténués par cette journée riche en rebondissements.

Dégoûtés ! Ça se lit dans leur regard ovin, ils sont dégoûtés ces moutons islandais car ce soir, nous installons notre bivouac à l'endroit même où ils se rassemblent habituellement pour passer la nuit, bien à l'abri derrière cette barre rocheuse. Un long moment ils vont nous observer, nous jeter des "bêêêêeeeee" d'insultes, mais ce sera peine perdue. Nous ne bougerons pas d'ici ! Nous y sommes trop bien.

Le surplomb rocheux offre une vue superbe sur le littoral, au loin, et le soleil couchant sera sublime.

Finalement, la journée aura été bien sportive.


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Étape 12

À l'image de la Pacific Highway américaine entre San Francisco et Los Angeles ou encore de la Great Ocean Road australienne, la "One" qui, en Islande serpente le long de l'océan vaut à elle seule le voyage. Les perspectives y sont grandioses et les rencontres, insolites...

Le voisinage du glacier Eyjafjallajökull sera notre premier objectif, ce matin. Le temps est gris mais parfois le soleil parvient à percer les nuages, nous autorisant quelques belles prises de vue. À l'approche du site, la piste F249 serpente dans une zone humide totalement plate. Les galets roulent sous nos roues et la traversée des nombreux gués heureusement relativement peu profonds est assez technique.

Retour ensuite sur la route N°1, tout au sud de l'île. Plusieurs arrêts vont ponctuer notre progression. Le premier, nous l'effectuons au pied de la cascade de Skogafoss. C'est la plus connue du pays et... la plus courue aussi. Les touristes sont nombreux à vouloir à tout prix se faire photographier au plus près des chutes d'eau. Grrrr ! Pas facile dans ces conditions de faire de beaux clichés.

Un peu plus loin, par la piste 221 en impasse et que nous empruntons sur quelques kilomètres seulement, nous parvenons au pied du glacier Sólheimjökull. Un sentier détrempé mène au lac de fonte où de gros glaçons dérivent lentement.

Changement radical de décor ensuite. Nous retrouvons le rivage de l'Atlantique nord à la pointe de Dyrhólaey. Une colonie de macareux a élu domicile dans la falaise. Nous les observerons un long moment. La côte, déchiquetée forme une arche qui s'avance vers l'océan.

Nouveau paysage spectaculaire, dans les gorges de Fjadrargljufur cette fois. Rendues célèbres peu de temps après notre passage par le chanteur excentrique Justin Bieber qui est venu y tourner un clip musical, l'endroit est touristique mais franchement magnifique. Un sentier guide le visiteur au plus près du vide jusqu'à une chute d'eau remarquable. Au fond des gorges, des moutons semblent avoir été posés là pour nous donner une idée plus précise de la grandeur et de la majesté des lieux. C'est réussi !

Tout près de la jonction entre la route N°1 et la N°209 se trouve l'étrange site de Laufskálavarða. Un cairn couvert de mousse est entouré de milliers de petites constructions de pierres sèches. L'explication née d'une légende locale en est simple : Tout voyageur qui traverse pour la première fois le désert de Mýrdalssandur est censé empiler des roches pour faire un cairn, ce qui lui apporterait une "bonne fortune" pour le reste de son voyage. Bon, maintenant, nous savons ce qu'il nous reste à faire !

Sous la pluie qui nous fouette depuis peu le visage, nous allons contourner par le sud le parc Katla et traverser une immense plaine alluvionnaire. Par la route N°1 à l'enrobé quasi parfait puis après nous être engagés sur la superbe piste F206, nous atteindrons en milieu d'après-midi l'entrée du parc Lakagígar. Il est protégé et le camping y est strictement interdit. Ça tombe mal, c'est là que nous devions bivouaquer. Nous reprenons la piste F206 dans l'autre sens jusqu'à trouver, sur notre gauche, un chemin visiblement peu emprunté et qui semble conduire à des pâturages... Bonne pioche ! Nous établirons le campement ici.


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Étape 13

Une nouvelle fois le ciel est menaçant, mais il ne pleut pas. C'est déjà ça. Mais on sent bien que l'été touche à sa fin.

Toute la journée nous allons poursuivre notre remontée de la côte est de l'Islande, essentiellement par la route N°1. Un premier arrêt est prévu tout près du glacier Svinafellsjökull. Comme hier, nous observons un lac de fonte. Sauf que là, nous pouvons presque toucher les gros glaçons qui dérivent lentement jusqu'à l'océan, tout proche. Il est incroyable cet endroit !

Le clou du spectacle, c'est maintenant ! Près du glacier Fjallsárlón et plus encore du Jökulsarlon on ne parle plus de lac de fonte mais presque de petite mer intérieure tant les retenues d'eau sont gigantesques, et on ne dit plus glaçon mais iceberg tellement les blocs de glace qui se sont détachés des glaciers sont énormes ! Le spectacle est fantastique. Les phoques l'ont bien compris. Comme les touristes, ils sont venus en nombre ici profiter des nuances de bleu changeantes des glaces émergentes.

En milieu d'après-midi nous sommes déjà arrivés sur notre lieu de bivouac. La piste F985 s'élève dans la montagne. Nous allons l'explorer sur quelques kilomètres mais nous nous rendons vite compte qu'au voisinage de tant de glaciers, il risque de faire vraiment trop froid cette nuit. Nous choisissons de redescendre le long de la côte où la température sera sûrement plus supportable. Un peu à l'écart de la route N°1 et le long d'une rivière paisible nous trouvons l'endroit idéal pour planter une dernière fois nos tentes. Le soleil du soir nous chauffe le visage, le vent est totalement absent, c'est parfait. Nous allons savourer cette dernière soirée passée en pleine nature, vraiment.


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Étape 14

Pour la dernière étape de notre voyage, nous nous disons qu'il n'est pas question de prendre le moindre risque. La route N°1 sera privilégiée. Mais rien à faire. Même si la route littorale est superbe et les paysages grandioses, l'appel de la piste est trop fort. Après un bon déjeuner dans un petit restaurant du port de Djúpivogur nous allons quitter la route N°1 et nous élancer à bon rythme sur la piste 939. Nous élancer, c'est vraiment le mot qui convient. Elle est magnifique. Très sinueuse et assez pentue, elle s'élève rapidement sur un plateau et nous prenons un réel plaisir à la parcourir. Un brouillard épais et très humide apparaît, rendant non seulement la visibilité quasi nulle mais, surtout, transformant la piste devenue boueuse en véritable patinoire. Gaffe quand même...

En fin de journée nous atteindrons notre hébergement en dur pour la nuit. Un chalet en bois, avec douche et WC communs à l'extérieur. Un peu défraîchi tout ça mais bon...

Demain nous quitterons l'Islande pour rejoindre le Danemark, puis la France.

Un très beau voyage.

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