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INDE DU SUD

RAID SAHYADRI - Entre exaltation et frissons

GORANDO - Récit de voyage à moto - Inde

Paris / Cochin

Alors que je suis en partance pour l'aéroport Roissy-CDG, bien assis dans le TGV, je reçois trois SMS. Philippe m'écrit qu'il est arrivé à l'hôtel Campanile Mesnil-Amelot, Philippe m'écrit qu'il arrive et Philippe m'écrit qu'il n'est pas prêt d'arriver ! Allez comprendre...

En fait, ce sont mes 3 compagnons-pilotes et tous trois portent ce même prénom. Ce n'est pas banal mais surtout, ce n'est pas pratique. On fera avec. Philippe est accompagné de Patricia, Philippe est venu avec Véronique et Philippe est seul. Au final... ils sont cinq participants au RAID SAHYADRI, dont c'est la première édition.


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Cochin

2h30 du matin, heure de Paris (Oui, ça pique un peu !). Après d'interminables vols, Paris-Doha puis Doha-Cochin, nous voici arrivés à destination. Nous terminerons la nuit dans un hôtel, juste à la sortie de l'aéroport international de Cochin. Pour parvenir jusque-là, nous nous entassons dans un seul et même taxi, avec tous nos bagages. Au secours la chaleur ! Il fait plus de 30°C, l'atmosphère est suffocant.

À cause du décalage horaire nous ne pourrons dormir que quelques heures seulement avant que le service du petit déjeuner ne soit clôturé, à 10h30. Heureusement, il est royal.

11H30. Cette fois nous réservons 2 taxis pour nous rendre à Fort Cochin, distant de 50 kilomètres environ et à plus d'1h30 de routes encombrées.

En début d'après-midi nous allons jeter un coup d’œil aux motos. 2 d'entre elles ont des pneus totalement usés. Pourtant, des neufs avaient été négociés. Et le paiement du solde de la location ne peut pas se faire en cash alors que pour ça aussi, c'était le deal ! Grrr ! Nous resterons bien une heure à discuter. Finalement je parviens à payer par Internet et rendez-vous est pris à 18h pour récupérer les motos avec des pneus changés.

Nous improvisons une petite balade en ville, très sympa et serpentons dans les rues des marchands d'épices, superbes. Avant de retourner aux motos, nous allons voir le coucher de soleil près des pêcheries.

18H00. Les motos ne sont toujours pas disponibles, il n'y aurait soi disant pas de pneus adaptés à nos machines à Fort Cochin. Un mécanicien est parti en chercher par le ferry à Cochin. Promis, elles seront prêtes à 20h00... enfin 20h30... Le mieux serait de venir à 21h pour être sûrs nous dit-on... Grrr ! À 50 mètres du loueur de motos, il y a un restaurant. On se posera là, bien décidés à ne pas le lâcher et maintenir la pression. À deux reprises j'irai le voir. Le mécanicien qui a finalement réussi à trouver des pneus travaille à la lumière d'une faible lampe, mais le travail se fait, doucement.

22H00. Retour à l'hôtel avec les motos. Pose du support de GPS pour moi et zou ! Dodo.
22h45 Extinction des feux.


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Fort Cochin / Allepey / Fort Cochin

08h00. Petit déjeuner... dans le noir. Il n'y a pas d'électricité.
08H45. Départ.
08H46. Philippe et Véronique sont déjà arrêtés. Ils n'ont fait que 150 mètres. Panne d'essence. Les autres vont faire le plein. Je les accompagne pour, ensuite, ramener au moins une bouteille d'essence aux malheureux.
09H30. Enfin, c'est parti !

La boucle d'aujourd'hui nous mène au Sud, vers les Backwaters. Une sorte de mangrove où naviguent des centaines de house-boats, de grosses barcasses en bois habitables avec des toits en roseaux. L'endroit pue le mazout mais c'est beau. Nous poursuivons notre route pour effectuer une petite boucle dans les marais. Très sympa, avec quelques tronçons de pistes bien grasses. Nous déjeunons dans un restaurant climatisé. Quel bonheur. Il est 14h quand nous replongeons dans la fournaise.

Ma moto manque d'huile. Plusieurs arrêts seront nécessaires avant que nous ne parvenions enfin à dénicher un garage qui acceptera, après de longues négociations de faire le complément d'huile. En fait je dois me rendre avec un jeune employé dans un autre atelier, pour cette simple intervention. Arrivés sur place, pas moins de 7 mécaniciens se jettent littéralement sur ma moto. Un chef d'atelier est là aussi, et bien sûr le patron. Un formulaire en 3 exemplaires est rempli, avec toutes les caractéristiques de la machine : numéro de cadre, de moteur, le kilométrage, l'immatriculation... Un vigile vient noter en plus l'heure d'arrivée, l'immatriculation, mon nom... Tout ça pour 1/2 litre d'huile !!!! Je perdrai bien une heure dans l'histoire.

Il est 16h. Nous décidons de zapper un arrêt à la plage, un autre dans un petit port de pêche afin de pouvoir rentrer avant la nuit à l'hôtel. La journée aura été mouvementée. Et que dire de la circulation, du bruit, des indiens qui grouillent partout... Hallucinant !


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Fort Cochin / Palakkad

Hier soir nous avons dîné près des pêcheries, dans un restaurant où la bière n'était pas proposée à la vente car il se trouvait devant une école. Argh ! Au moment de payer, Véronique a sorti sans complexe des coupures vietnamiennes que lui avait données sans complexe non plus Patricia lorsque le fond de caisse commun destiné justement à payer les repas et les menues dépenses a été constitué. Nous avons vite été rattrapés dans la nuit noire par le restaurateur alors que nous nous dirigions vers les tuk-tuks devant nous ramener à l'hôtel.

Quitter Fort Cochin n'est pas une mince affaire. Il faut bien compter 50 kilomètres avant de voir un peu de verdure. Mais sitôt que la route s'élève un peu, les plantations d'hévéas, de palmiers, de bananiers rendent la route agréable. Leur ombrage est le bienvenu également car il fait vraiment très, très chaud ! Plus on s'enfonce dans la forêt et moins la circulation est dense, jusqu'à devenir presque inexistante. Enfin, tout est relatif... c'est l'Inde, tout de même !

Nous déjeunerons dans un endroit insolite. Au fond d'une sorte de galerie artisanale où le plombier côtoie le serrurier, le coiffeur, une droguerie et... notre restaurant-hôtel. Nous ne ferons pas les difficiles. C'est plat unique et... "spicy" ! "verry spicy" ! De l'eau, vite !

Nous arrivons à notre hôtel vers 16h30. Après la douche, nous partons visiter le fort de Palakkad. Il est situé à environ 500 mètres de notre établissement. Très sympa à la nuit tombante.

En revanche il aura été très difficile de trouver un endroit pour se désaltérer. Après avoir dépensé quelques roupies dans les tuk-tuks et un passage éclair dans un supermarché pour une raison qui encore maintenant m'échappe, nous finissons par dénicher un endroit bizarre, genre de maison close ou bar de nuit qui sert discrètement des breuvages alcoolisés. La lumière est tamisée, je me demande même à un moment si en face de moi à ma table ce sont bien mes compagnons de voyage qui sont assis là, tant il fait sombre. Banquettes rouge sang, alcôves... tout y est !

Le restaurant végétarien de l'hôtel fera l'affaire pour ce soir. La fatigue, le bruit de la rue, la pollution nous ont usés.


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Palakkad / Ooty

Une étape toute verte ! Ce matin nous avions décidé de nous lever 1/2h plus tôt, le petit-déjeuner devant être servi dès 7h30. Il faut profiter de la "fraîcheur" matinale et de la "faible" circulation... Sauf qu'à 7h30, rien n'était préparé, même pas le café. C'était bien la peine... Nous parvenons enfin à nous faire servir dans des timbales en ferraille dorée des cafés brûlants, après avoir patienté une bonne vingtaine de minutes. La salle est surchauffée, déjà, et enfumée par l'encens se consumant sur une petite étagère où figure en bonne place la photo jaunie d'une des innombrables divinités indiennes. Ambiance. Tout ça ne met pas de bonne humeur.

Quelques traversées de routes périlleuses, quelques carrefours apocalyptiques et zou ! À nous la campagne ! L'étape débute par la route défoncée qui serpente dans la Silent Valley. Elle porte bien son nom car mis à part quelques vrombissements assourdissants de bus hors d'âge n'hésitant pas à klaxonner à chaque virage ou presque, pas un bruit. Sur la chaussée, des bouses d'éléphants sauvages. Sur les murets, des singes mal peignés.

Nous aurons l'occasion de nous essayer à de bonnes pistes bien défoncées aussi. En duo, pour les 2 Philippe "lestés", ce n'est pas simple. En fin de matinée nous faisons une bonne halte dans un routier local. Sodas, gâteaux périmés, du Bollywood à la télé. Re-ambiance. Du coup, nous zappons le déjeuner.

Une nouvelle route toute en lacets se présente sous nos roues. Elle nous fait quitter la province du Kerala pour sa voisine, le Tamil Nadu. L'occasion est trop bonne pour les indiens qui, habilement ont planté là des check-points. Nous en passerons 3 au total. Les 2 premiers n'étaient distants que de... 50 mètres à peine !? Et justement, au second, nous laisserons 120 roupies au chef... bien vite mis dans sa poche. À chaque fois nous devons sortir les papiers des motos, nos permis et tantôt nous devons donner notre 06, tantôt nos passeports, parfois pour un seul d'entre-nous, parfois pour tout le monde... c'est variable et sûrement totalement inutile. Enfin, ça occupe 4 à 6 plantons à chaque poste de garde...

En milieu d'après-midi nous atteignons les hauteurs d'Ooty. Les montagnes sont couvertes de plantations de thé, d'un vert tendre. Quelques eucalyptus animent les paysages d'une grande beauté. La température est bien descendue, nous avons perdu 10 bons degrés au thermomètre. Je me surprends à remonter la fermeture de ma veste jusque-là grande ouverte.

Quelques kilomètres avant Ooty, dans un hameau, nous nous sommes retrouvés face à un notable avec serviette en cuir tout excité qui nous indiquait en braillant que la voie que nous nous apprêtions à emprunter était privée. Mon œil... Voyant que nous finissions par faire demi-tour, il m'a invité à lui serrer la pince. Bon, OK.

Philippe (celui de Patricia) a rongé les derniers millièmes de millimètres des plaquettes de frein avant de sa moto. Sans ce frein et avec un frein arrière mollasson, pas facile de ne pas aller goûter le bas-côté dans un virage mal négocié... Par chance, à l'entrée d'Ooty... un concessionnaire Royal Enfield nous tend les bras pleins de cambouis ! Pour 200 roupies sans facture ou 284 roupies avec facture, l'affaire est possible. Vous devinerez aisément que Patricia qui tient fermement la caisse ne se délestera que de 200 roupies...

Encore 2 kilomètres et nous voici rendus à l'hôtel. Un palace ! Ce soir, nous ne bougerons pas. Nous n'avons rien mangé ce midi alors ce soir, on se rattrape.


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Ooty / Mysore

L'étape du jour aura été d'une incroyable diversité et assez éprouvante car les portions de tout-terrain étaient nombreuses et encombrées de bestiaux. Au départ d'Ooty, à plus de 2580 mètres d'altitude, il fait frais. Nous supportons un foulard et la veste fermée jusqu'au col. La descente vers la vallée est vertigineuse. Les épingles dans les Ghats occidentaux aussi appelés Massif de Sahyadri se succèdent, et les ralentisseurs aussi. Que c'est pénible ! Il y en a tous les 100 mètres à l'approche des villes et dans les villages. Mais il faut reconnaître qu'ils sont très efficaces. Impossible de prendre de la vitesse.

Nous pénétrons bientôt dans la Nilgiris Biosphère Reserve, sorte de mélange de bush australien et de forêt primaire thaïlandaise. Ensuite vient la traversée de la Bandipur Tiger Reserve qui elle ressemble à la savane africaine, en plus touffue. Là, ça ne rigole pas ! Pas question de s'y arrêter au risque de se faire dévorer par des tigres affamés. Nous croiserons quelques antilopes locales, quelques singes mais pas d'éléphants. Que des bouses.

Une fois de plus, les ralentisseurs nous malmènent régulièrement durant notre progression, nous obligeant à rester bien concentrés sur la route. Les secousses ont rendu lâches les sangles qui maintiennent le sac de Philippe (solo). Nous serons tout juste assez de 4 pour bien saucissonner le baluchon.

Plus tard dans la matinée, nous faisons une longue pause dans un village paysan totalement loin de tout. Pas une seule voiture ici, que des zébus et quelques mobylettes. Les gens y sont très souriants, nous autorisant à faire de nombreuses photos.

À maintes reprises nous allons nous engager dans des pistes cassantes, souvent bordées d'épineux que nous prenons bien soin d'éviter. Le relief est peu important. Nous sommes ici sur le plateau du Dekkan que nous n'allons presque plus quitter jusqu'à Goa, sauf au moment de retraverser le massif de Sahyadri. Les villages typiques s'enchaînent, mais dans la campagne le silence est presque absolu. Seuls les moteurs poussifs de nos motos troublent la quiétude des lieux. À notre passage, les paysans promenant leurs vaches et leurs moutons écartent leurs troupeaux et nous laissent volontiers poursuivre notre chemin. Partout les gens sont comme figés à nous voir debout sur nos montures. Dans les sentiers, dans les rizières, dans les cours et sous les porches des maisons, les jeunes comme les vieux nous regardent. Et sur les routes, les conducteurs venant en sens inverse semblent plus attentifs au moment de nous croiser.

Environ 40 kilomètres avant notre ville-étape de ce soir, nous prenons le temps d'aller visiter, déchaussés, le temple de Somnathpur aux pierres ciselées de milliers de figurines. Impressionnant. Quelques représentations coquines attirent davantage notre regard. Allez savoir pourquoi...

Il est 17h30 lorsque nous atteignons notre hôtel, situé au centre de Mysore. Nous devions faire une dernière visite, celle du temple de la ville mais la fatigue et l'envie de prendre une bonne douche auront été plus fortes. On verra demain...


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Mysore / Chikkamagaluru

Une bien belle journée encore aujourd'hui. La chaleur a été plus supportable que les jours passés, sans doute par l'effet d'une légère brise qui, si elle nous a ventilés, a également soulevé beaucoup de poussière. Quelques kilomètres seulement après la sortie de Mysore, nous voici déjà sur une première piste. Elle ressemble à celles que nous avons foulées : Une terre rouge, une fine couche de graviers, de petites saignées bien piégeuses et quelques bonne pierres. Un régal.

Les villages de campagne que nous traversons sont extrêmement colorés, tout comme les vêtements des femmes, au travail, tandis que les hommes palabrent.  Nous croisons régulièrement des attelages de zébus.

Dans un virage en épingle, notre regard se porte sur un champ de fleurs d'un jaune vif qui tranche avec le vert des autres plantations : fruitiers, cocotiers, rizières. Plusieurs femmes sont à la cueillette et c'est un homme qui collecte le fruit de leur travail pour en faire un tas, sur une toile de jute en bout de parcelle. Juste à côté, un paysan mène son attelage de maigres zébus dans une rizière. Il en aère la terre tout en, manuellement, arrachant quelques mauvaises herbes.

C'est alors qu'arrive le patron. D'un geste ample des bras il commence par nous faire comprendre que toutes les terres sont à lui. Il nous propose ensuite d'ouvrir pour nous quelques noix de coco. Les premières sont juteuses et contiennent facilement 1/2 litre d'eau parfumée chacune. Toujours avec sa machette, l'homme nous ouvre ensuite d'autres noix de coco plus mâtures. Elles contiennent moins de jus et la pulpe est encore molle. Enfin, nous avons le privilège de pouvoir déguster de la "top quality". Si c'est le patron qui le dit... Goûtons ! Effectivement, leur chaire est excellente.

Avant de quitter cet homme charmant, nous tentons de lui offrir 40 roupies. Il refuse, levant les bras et le regard au ciel comme pour nous indiquer que ce sont les cieux et les Dieux qu'ils faut remercier et que la richesse de sa terre lui suffit.  De la main, nous saluons toutes les femmes et les hommes qui n'ont à aucun moment quitté leur dur labeur.

Peu avant midi nous nous engageons dans une piste d'abord large et empierrée qui, bien vite se transforme en un single assez technique se faufilant entre deux énormes blocs de roches. Ce sentier doit être sacré car tout en-bas, un haut-parleur fixé à l'un  des piliers d'un modeste temple braille à nous en percer les tympans.

À l'heure de déjeuner, nous voici rendus comme prévu au pied du temple Jaïn Shravanabelagola et ses centaines de marches. Seuls 2 des 3 Philippe et Véronique auront le courage de les gravir pour, de là-haut embrasser toute la campagne environnante. Pendant ce temps là, le dernier Philippe et Patricia vont faire un tour en ville. Moi je reste pour garder nos sacs, nos vestes et nos casques, bien au frais dans un restaurant.

Après cette longue pause/visite, nous reprenons la route. Nous avons encore plus de la moitié de l'étape à rouler. Alors que le soleil décline, nous décidons de "tailler tout droit" sur les quelques dizaines de kilomètres qui nous séparent encore de notre hôtel pour la nuit.


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Chikkamagaluru / Shimoga

Argh ! Une journée pas tout à fait réussie. La faute aux éléphants qui n'étaient pas au rendez-vous que je leur avait fixé... Sortir de Chikkamagaluru aura été un jeu d'enfants. La ville est située à 1000 mètres d'altitude et en moins d'1h30 nous allons grimper à 1890 mètres, au sommet du Mullayanagiri Peak. Enfin pas tout à fait car nous aurons la flemme de gravir les centaines de marches qui mènent au temple, tout là-haut.

Les premiers kilomètres de piste s'effectuent en forêt et comme "par chez nous", la forêt laisse place aux prairies dénudées au-delà de 1600 mètres environ. Une portion de goudron ravagé par les passages répétés des véhicules qui se croisent réduit considérablement la largeur de la chaussée. Et comme quand 2 conducteurs indiens arrivent en même temps à un même étranglement aucun ne fait l'effort de se ranger sur le côté pour laisser passer l'autre, ça donne des scènes qui nous énervent. Parfois, la situation se bloque totalement. Les derniers kilomètres de piste sont totalement défoncés. La terre rouge sang s'envole en une poussière irritante. Là-haut, un parking tout riquiqui accueille un bon paquet de voitures, garées à l'indienne, c'est à dire n'importe comment. Et de ces véhicules, sortent des centaines d'indiens endimanchés qui vont, en talons hauts pour les femmes et en chemise blanche et cravate pour les hommes, gravir la montagne jusqu'au temple, juste histoire de faire une photo moche. La brume en contrebas est épaisse, dommage. À moins que ce ne soit la pollution...

Nous poursuivons notre périple, par une toute petite route au goudron extra. Elle serpente à flanc de montagne. Magnifique. Puis elle se transforme en une piste, ou plutôt en une route dont ne subsistent que quelques plaques de bitume branlantes. Le reste n'est que cailloux roulants et flaques d'eau boueuse. Un excellent moment de roulage. Arrive le moment de montrer patte blanche à un contrôle militaire. On ne sait pas trop pourquoi il est planté là, en pleine forêt primaire, juste au sortir d'une plantation de café. Les deux plantons, voulant sûrement se justifier des 100 roupies qu'ils exigent de nous nous demandent d'ouvrir certains de nos sacs, mais pas tous. Ils veulent vérifier que nous n'avons pas de cigarettes, ni d'alcool. Pour leur consommation personnelle ?... Avant de les quitter, une photo avec nous est improvisée. Tape dans la main et zou ! Direction le contrôle suivant. Toujours sans savoir pourquoi nous sommes régulièrement stoppés.  Mais là, le militaire ne rigole pas d'un brin. Il griffonne quelques lignes sur son cahier à spirale et va ensuite lever la barrière. Pas un drôle... À l'approche de Shimoga la campagne devient assez quelconque et bruyante. Pour ne pas dire sale, encore.

Nous visons un camp d'éléphants, 15 kilomètres au Sud de la ville. Raté. Les 2 éléphants que nous pouvons observer après les avoir longtemps cherchés sont pour l'un enchaîné et pour l'autre coincé dans une cage. Visiblement tristes et en bien vilain état ils semblent pourtant amuser quelques visiteurs. Pas nous. Bien vite nous quittons les lieux et prenons la direction de notre hôtel, au centre de Shimoga. La ville n'est pas très belle mais nous tenterons quand-même d'aller y trouver un bon restaurant. Ce n'est pas gagné...


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Shimoga / Hospet

Une étape toute en contrastes. Au moment de quitter notre hôtel ce matin, il fait limite frais et la visibilité est quasi nulle. Une brume épaisse et humide a envahi le plateau du Dekkan. La sortie de Shimoga s'effectue sans problème... enfin sans plus de problèmes que d'habitude. La circulation est d'enfer, le bruit aussi. Et en ce qui concerne le bruit, ça a commencé bien avant le lever du soleil. Les chants du Muezzin, des coups de tambours et des musiques lancinantes ont eu raison de notre sommeil. Dépaysement garanti.

Une fois la campagne atteinte, il devient urgent de quitter la route principale. Dans le brouillard total, ni les camions, ni les bus n'ont allumé leurs feux, et que dire des attelages de zébus...

Les pistes vont s'enchaîner à bon rythme, toute la première partie de la journée. Le brouillard s'est dissipé, tout va bien. Assez quelconques au départ, elles vont vite devenir très plaisantes. Une seule d'entre-elles a été "mangée" par un cultivateur. Nous tentons de contourner par un champ de bananiers mais non, ça ne passe pas. Demi-tour.

Sur les pistes, il y a des animaux et des indiens partout ! Des échassiers pas peureux attendent d'être presque sous nos roues pour prendre leur envol. Je fais sensation à rouler debout.

Peu avant midi, dans un village, je constate que ma moto est crevée de l'avant. Une épine s'est plantée dans ma roue. D'un geste je fais comprendre à quelques jeunes agglutinés autour de nous que j'aimerais bien trouver un réparateur... Pas de souci. À 100 mètres tout au plus, un artisan spécialisé dans la réparation des crevaisons est prêt à régler le problème. Il a 2-3 outils, une bassine d'eau et des rustines. Sans même démonter la roue il extrait sur le côté de la jante la chambre percée et en moins de 5 minutes, l'affaire est réglée. Ça fera 30 roupies (40cts d'euro).

Il est temps de déjeuner. Dans un gros bourg, nous peinons à trouver un restaurant. Là encore, un jeune nous guidera avec sa moto jusqu'au "meilleur" de la ville. Un établissement dans lequel on ne sert que le plat du jour, évidemment bien épicé. En fin de repas et en insistant un peu, des "black coffees" nous serons servis plutôt que le café au lait traditionnel.

Encore quelques pistes, encore quelques villages, encore quelques dépotoirs et nous voici arrivés à Hospet. Nous y séjournerons 1 journée et 2 nuits.


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Hospet / Hampi / Hospet

La ville d'Hospet est dans un état pitoyable. Les rues du centre-ville sont devenues des pistes, la circulation y est encore plus délirante qu'ailleurs dans le pays, et les conducteurs assez agressifs. Bref, fuyons !

Hampi se trouve à quelques minutes au Nord d'Hospet. C'est un endroit où sont concentrés des dizaines de temples, en plus ou moins bon état. Nous avons choisi de nous attarder sur les plus emblématiques des lieux. Tous sont cernés de montagnes de cailloux. Et au milieu, une rivière coule péniblement. Peu de touristes ici, mais beaucoup d'indiens. Et un éléphant se faisant toiletter dans la rivière !

Jusqu'à midi nous profitons de la relative fraîcheur du matin pour déambuler, dans les édifices et dans les ruelles commerçantes.

Pour déjeuner, pas d'autre solution que de retourner à Hospet. Nous dégotons un restaurant familial comme on dit ici. Cuisine simple mais accueil chaleureux. Il est en préau, au second niveau d'un bâtiment de commerce. À l'étage inférieur, il y a un bar à alcools. Un deal a sans doute été passé entre les 2 établissements car bon nombre de clients du restaurant se font servir des alcools forts venus du dessous.

En début d'après-midi nous retournons vers les temples. Nous prendrons, tels des "tamalous" une navette électrique pour rallier le plus imposant et connu de tous, distant de plusieurs centaines de mètres du parking. Tout y est magnifique. Un chariot de pierre trône au milieu d'une cour intérieure géante. Les édifices sculptés à l'extrême sont disséminés un peu partout.

Nous reprenons les motos pour aller boire un coup de frais sur la rive opposée à celle où sont concentrés les édifices. Dans une simple ruelle poussiéreuse et rectiligne, sont alignés les bar et paillotes à "fument moquette". Bien à l'abri du soleil sous les arbres, face aux temples, nous prenons du bon temps. Mais il est tard. Nous traversons la campagne où s'activent des paysans moissonnant leurs rizières pour revenir dans l'infernale Hospet.


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Hospet / Badami

Une étape magnifique, des rencontres formidables... S'extirper d'Hospet n'aura pris que quelques minutes. Après un bout d'autoroute, ce sera de la piste, de la piste, encore de la piste.

Sur l'autoroute, il se passe de bien curieuses choses. Il est possible d'y faire sécher ses grains de maïs, bien étalés sur une bâche, voie de gauche. En l’absence de bande d'arrêt d'urgence, sur cette même voie il est tout à fait concevable d'y stationner son poids-lourd pour aller casser une petite graine. Le contre-sens est envisageable aussi, à la condition d'user de son klaxon plus que d'habitude. Les animaux peuvent s'y trouver également en troupeaux, fouettés par de frêles paysans sans gilet jaune. Plus rare, c'est la possibilité offerte aux passagers d'un bus de quitter le véhicule pour monter dans un engin plus petit desservant la campagne. Il leur sera demandé de rester sur le terre-plein central, le temps de la manœuvre. Enfin, au péages annoncés par des ralentisseurs encore plus imposants que ceux qu'on trouve disposés aléatoirement sur les voies et servant à tempérer les fous de vitesse, les espaces laissés libres avant et après les barrières seront bien souvent occupés par des marchands ambulants qui sauront profiter du ralentissement des conducteurs.

Nous quittons l'autoroute pour une route de plateau rocheux toute en lacets. De gros blocs sont empilés, en équilibre, sur de grandes dalles grises. Séance photos. Ensuite, les pistes vont s'enchaîner. Bien roulantes, elles sont vraiment plaisantes. Quelques hameaux sont traversés, tous plus sales les uns que les autres. Nous avons chez nous le label "village fleuri"... Ici c'est plutôt à qui aura le plus de déchets visibles. Les périphéries sont autant d'immenses latrines à ciel ouvert. Zip ! Attention ça glisse !

Dans un petit village, la vision d'une école pleine d'enfants nous incite à nous arrêter pour une photo. Au début bien alignés en files, face aux professeurs, les enfants ont très vite tendance à quitter leur rang pour nous observer. Ça y est, c'est l'anarchie. Les professeurs laissent finalement faire les gamins qui viennent par centaines vers nous, tout en restant sagement dans l'enceinte de l'établissement. Quelques photos de groupes sont prises, dans la bonne humeur. Nous sommes bientôt invités à prendre le thé au lait et à manger quelques gâteaux secs dans le bureau du directeur. Nous apprenons que l'école reçoit 843 élèves exactement, répartis en... 6 classes ! Et cela va du petit bout de 6 ans au grand bêta de 14 ans. Impressionnant.

Nous reprenons la piste. Pour la première fois, nous nous demandons si nous aurons assez d'essence. Pas une seule station-service sur notre route depuis notre départ, ce matin. Dans un tout petit village, nous nous arrêtons sous un arbre. Très vite, nous sommes entourés de dizaines d'indiens. L'un d'eux peut nous trouver du carburant. 100 roupies le litre au lieu de 80 environ. Une affaire ! 4 litres seront bus par les motos les plus gourmandes. Pendant que nous attendions le précieux liquide en bouteilles, une femme nous invite à casser la croûte dans sa maison, jouxtant notre stationnement. Une galette farcie d'une purée de légumes est offerte à chacun. Une fois de plus, nous reprenons la piste, presque à regret.

Les derniers kilomètres nous séparant de Badami, notre ville-étape, se feront sur une route démesurée au goudron parfait... Et sans ralentisseurs ou presque. Que du bonheur, surtout que comme chaque jour nous avons le soleil de face en fin de journée. Demain, une très grosse étape nous attend afin de rejoindre la côte Ouest de l'Inde, au Nord de la province de Goa.


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Badami / Tiracol

8h00. En 2 coups de gaz nous sommes sortis de Badami. Du gaz, nous allons devoir en mettre car nous devons parcourir 327 kilomètres avant d'atteindre la mer, plein Ouest. Les routes de campagne s'enchaînent. Nous traversons tout d'abord de grandes cultures de cannes à sucre. Sur les chemins, quelques flaques d'eau d'irrigation créent avec la poussière de terre rouge une pâte collante. Plus loin, nous doublons un tracteur tirant une remorque chargée ras les ridelles. Il est décoré de guirlandes, de fleurs, de quantité de babioles qui rétrécissent sacrément la visibilité du conducteur. Peu importe. C'est la fête (Diwali) des lumières. Elle est liée à la période des moissons. Les cultivateurs, heureux visiblement de leur récolte cette année le font savoir. Derrière le conducteur de chaque tracteur ou presque, de gros haut-parleurs crachent une musique à s'en déchirer les tympans.

Nous atteignons un relief désertique. Une sorte de "bush qui pique". Les fermes sont là encore plus modestes qu'ailleurs. Sur les pistes, la couleur de la poussière est changeante. Tantôt rouge sanguine, tantôt crème, parfois grise. Les couleurs claires, éblouissantes, masquent les pièges de la piste.

Nous progressons à une moyenne de 40 km/h tout au plus. Pas de véritable arrêt déjeuner aujourd'hui mais de régulières pauses bananes, sodas, oranges, thé au lait. Toutes les 2 heures.

Vers 16h30, alors qu'il reste encore 65 kilomètres à faire, nous faisons un bref arrêt aux chutes d'eau de Godak. Pas d'eau, donc pas de cascade. Par contre, le canyon dans lequel elle devait se jeter est sublime. Le contre-jour laisse deviner la succession de langues de roches qui s'estompent au lointain.

La toute petite route, en très bon état qui nous a permis de venir jusqu'ici nous a obligés à quitter la route principale qui relie Badami à Goa. Route de tous les dangers, elle est comme minée de milliers de trous, zébrée de raccords de bitume faits à la va-vite, pleine de ralentisseurs non signalés, de travaux inachevés, parfois même elle devient piste... L'enfer !

17h30. Nous venons de crever. La poisse. Dans 1/2h il fera nuit et nous sommes à plusieurs dizaines de kilomètre de notre but : la douche ! Démontage de la roue arrière, changement de chambre à air, remontage et... Pschitt ! Nous avons pincé la chambre à air neuve. Nouveau démontage et là... Que faire ? Nous parvenons à faire s'arrêter le conducteur d'une voiture. 2 des 3 Philippe et la roue s'y entassent. L'un d'eux pointe sur son téléphone le lieu de l'incident pour être en mesure d'y revenir avec la roue réparée. Nous apprendrons plus tard, nous qui sommes restés près des motos que le réparateur se trouvait à 500 mètres plus avant, juste après une courbe.

18h30. Nuit noire. C'est parti pour 40 kilomètres de gros n'importe quoi. Les trous, les bosses, les graviers, les ralentisseurs, les tas de déchets... Ne les voyant plus nous ne pouvons ni les contourner ni les anticiper, nous les subissons. Les vaches, les chiens se déplacent sur la chaussée sans lumières, les voitures, les bus et les camions, eux, sont en pleins phares. Les scooters scintillent de lumières vertes, bleues, rouge clignotantes. Il y a du monde partout, dans tous les sens, et on ne voit rien. Au secours ! À l'approche de la côte, c'est pire encore. Les routes se croisent et se recroisent, les villages mal éclairés se succèdent et la circulation s'intensifie encore. Plus que quelques kilomètres. Heureusement que ma trace est précise car notre hôtel est bien planqué.

20h15. Le contact est coupé. Nous sommes sains et saufs. Check-in et hop ! Une bonne douche.
21h30. Dîner sous une pergola, le clapotis de la mer au loin, de la bonne musique auprès.


GORANDO - Récit de voyage à moto - Inde

Tiracol / Goa

Instant magique au moment de découvrir notre environnement ce matin au petit-déjeuner. Les oiseaux chantent, il fait beau, tout va bien. Depuis la pergola où nous avons dîné hier soir, jouxtant la piscine, nous est offert en plus des omelettes, des toasts "confiturés", des pan-cakes au sirop d'érable et du café black ou "milké", un splendide panorama sur la mer. Rhâââ Lovely !!! Quel calme... De l'autre côté d'une petite anse, on devine le Fort de Tiracol qui marque l'entrée du ria. Sur la rive opposée, on voit le bac que nous allons emprunter pour faire notre entrée dans la province de Goa. Le petit-déjeuner s'éternise. Pas grave, nous avons tout notre temps et seulement 65 kilomètres à faire aujourd'hui.

C'est parti pour la dernière étape du RAID SAHYADRI ! Le bac est en approche. La traversée ne durera que quelques minutes. À Goa, il y a presque autant de routes ombragées que de pétards à fumer. Ça fait un bon paquet ! En milieu de matinée nous faisons un pause sur une belle plage... Propre ! Elle forme une langue de sable. On y accède par une passerelle en bois. Des paillotes et des restaurants de plein-air y sont alignés. Mais cette pause, idyllique, va être considérablement ternie. Les côtes indiennes sont réputées dangereuses. Les coast-guards s'activent... Une femme vient de se noyer. En jet-ski, un sauveteur va la chercher et tire son corps inanimé jusqu'au sec, devant nous. Glurps ! Nous reprenons la route, bien tristes.

Ce matin j'ai adressé un mail au loueur de nos motos. L'idée, c'est de le faire venir à notre hôtel afin que lui soient restituées nos montures, terreuses et bien fatiguées, comme nous. Arrivés à notre hôtel, j'apprends que c'est OK. Super ! Après une bonne douche, nous commandons de quoi déjeuner. Tout viendra d'un restaurant extérieur et nous sera servi en salle de petit-déjeuner. Si ça ce n'est pas de l'organisation... Les motos sont restituées. Le loueur nous "charge" de 5 euros par machine pour le décrassage. Honnête.

Fin de journée libre pour tout le monde... sauf pour moi, scotché devant mon PC à écrire cette dernière chronique de notre fabuleux voyage à moto.

Demain, nous irons à l'événement RIDER MANIA, une concentration annuelle organisée par la firme Royal Enfield pour ses clients motards passionnés et un peu déjantés. Dans un simple terrain vague et une petite palmeraie on retrouve là tout ce qui fait l'Inde : beaucoup de chaleur, de bruit, de poussière, de motos pétaradantes et d'indiens. À voir au moins une fois dans sa vie.

Un bien beau voyage.

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