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FINISTÈRE
Cornouaille maritime - Sur la trace des peintres
Emprunter les routes, les pistes fréquentées jadis par les peintres de Cornouaille, c'est se livrer au jeu subtil du miroir. Les paysages vrais traversés aujourd'hui font écho sans cesse à leurs reflets picturaux d'hier, autant d’œuvres éternelles témoins du temps qui passe.
Touristes comme nous avant l'heure, des artistes ont arpenté les âpres terres du Finistère en tous sens. À pied, à cheval, plus tard en véhicule à moteur, par les sentiers et chemins creux de la campagne, par les grèves et les criques littorales. Il n'y a pas un bout de côte qui n'ait pas été observé par eux, pas un cap venté, pas une anse abritée, pas un port minuscule. Il n'y a pas un vallon, pas un hameau qui n'ait été épargné par leur regard. Eux ont su saisir l'âme du pays Breton, en allant au contact des marins et des paysans. Saurons-nous faire de-même en posant pied à terre ? En prendrons-nous le temps, nous qui sommes frénétiquement agrippés au guidon de nos motos ?
Ouvrez grand les yeux et venez !
Je vous emmène faire le plein de sensations.
Le Faou, géométriquement le point central du département du Finistère, labellisée « petite cité de caractère » et nichée tout au fond d'une ria de la rade de Brest se trouve au cœur du Parc Naturel Régional d'Armorique. Ce sera le point de départ de notre trace. Son port, classé « d'intérêt patrimonial » et les maisons à pans de bois du centre historique méritent à elles-seules qu'on s'y attarde. Déjà, la magie opère.
La Presqu'île de Crozon
Le Pont de Ténérez qui enjambe l'Aulne marque notre entrée sur la Presqu'île de Crozon. Nous quittons très vite l'axe de circulation principal pour nous rendre par une toute petite route forestière à Landévennec. Une trouée dans la forêt offre un panorama austère sur un cimetière à bateaux militaires. Quelques épingles encore et nous voilà au pied de L'abbaye partiellement ruinée de Saint-Guénolé.
La côte nord de la Presqu'île de Crozon étant en grande partie occupée par la Marine Nationale, nous n'avons que peu d'occasions à cet endroit de pouvoir nous approcher du littoral. Le Fret fait exception et mérite une halte. Depuis la digue d'un étang, près du moulin à marée à proximité duquel se décomposent lentement de vieilles carcasses de bateaux de pêche la perspective sur la cale de ce petit port également embarcadère pour Brest est superbe.
Nous poursuivons notre chemin à la découverte de la Pointe des Espagnols qui fait face à Brest, de l'autre côté de la rade. Quelques fortins érigés sur les falaises témoignent de l'omniprésence des militaires. Certains points de vue sont même interdits à la photographie.
Camaret-sur-Mer mérite un arrêt. Le Sillon, dessiné et peint à d'innombrables reprises rassemble tous les ingrédients d'une belle composition. Il y a là la tour Vauban, la Chapelle Notre-Dame de Rocamadour renfermant de superbes ex-voto et un impressionnant cimetière de chalutiers en bois.
La Pointe de Pen Hir et ses Tas de Pois, très sauvage, marque l'extrémité ouest de la Presqu'île de Crozon. Au sud, le Cap de la Chèvre offre quant à lui une vue grandiose sur la Baie de Douarnenez. La cité balnéaire de Crozon-Morgat annonce un changement de paysage. De belles grandes plages blondes alternent avec d'impressionnantes falaises. Dans les rias tranquilles, l'océan adouci côtoie des paysages agrestes baignés de lumière modulée par des ciels changeants. Plus en terre et matérialisant notre sortie de la Presqu'île de Crozon, se détache le Menez Hom. C'est l’un des points culminants de la Bretagne (330 mètres). Prolongement des Montagnes Noires, il domine la baie de Douarnenez. Une fois son ascension effectuée, la vue sur toute la région est exceptionnelle. On peut notamment voir au nord le Pont de Térénez, franchi en début de périple.
Locronan
Classé parmi les "plus beaux villages de France", un peu en retrait de la côte, Locronan a de tous temps été une véritable terre d’inspiration pour les artistes. Le charme de ce petit écrin Breton ne laisse jamais indifférent. Cette cité médiévale de granit bleuté a su conserver de très belles demeures, notamment autour de la place centrale au milieu de laquelle trône un vieux puits.
Le Cap Sizun
Le Cap Sizun, extrémité occidentale de la Cornouaille Bretonne s’avançant dans l'Iroise jusqu'à l'Île de Sein, bordé au nord par la baie de Douarnenez et au sud par celle d'Audierne est une alternance de pointes et de criques admirables. Ici les sites sauvages inspirants, les perspectives immenses, les accidents de rochers aux formes étranges se succèdent sans interruption.
Douarnenez, escale incontournable de la route des peintres de Cornouaille en marque l'entrée nord. La ville a gardé quelques traces de son glorieux passé de port sardinier et quelques bâtiments défraîchis témoignent encore de l'activité de conserverie. Douarnenez est aujourd'hui connue comme la ville aux trois ports. Le port de pêche du Rosmeur accueille une flottille de chalutiers spécialisés dans la pêche aux poissons bleus (sardines, chinchard, anchois, maquereau). Tréboul est un port de plaisance très animé en été et le Port-Rhu ou Port-musée regroupe quant à lui quelques ateliers de restauration de vieux gréements. Certains navires peuvent être visités.
De Douarnenez à la Pointe du Van, les murets en pierres sèches remplacent les haies. C'est partout un épais tapis d'ajoncs, de genêts et de bruyère, d'où s'élèvent à peine, de temps en temps, des îlots d'arbres rabougris et déformés luttant contre les vents d'ouest souvent tempétueux. Quelques chemins carrossables permettent encore aujourd'hui de s'approcher en toute légalité au plus près du trait de côte, mais ils sont rares. Je vous conseille de vous rendre ainsi à la Pointe du Millier, ou encore à celle de Brézellec, toutes deux magnifiques. Une petite pause café à la buvette de Pors Théolen, nichée au fond d'une minuscule crique, ce n'est pas mal non plus.
Un crochet vers Pont-Croix s'impose afin d'y découvrir son quartier historique pittoresque totalement pavé, ses venelles pentues et la vue offerte sur le Goyen, un fleuve côtier qui se vide et se remplit à chaque marée.
Avant d'atteindre la Pointe du Raz, notre trace nous mène à la chapelle de la Pointe du Van, un site d'une sublime sérénité surplombant majestueusement l'océan et, un peu plus loin, à la Baie des Trépassés. C'est là que jadis après les grosses tempêtes hivernales venaient s'échouer les débris des barcasses brisées sur les rochers du terrible Raz de Sein... et les cadavres des noyés.
Quelques belles pistes nous conduisent ensuite jusqu'à la Pointe du Raz, chef-d’œuvre de la nature qui, dans un décor de vertigineuses falaises couvertes de landes exposées aux embruns, telle la proue d'un navire fait face à l'impétueuse Mer d'Iroise et ses forts courants. Par mauvais temps on peine à deviner au loin le phare de La Vieille et celui de l'Île de Sein pourtant toute proche. Lorsqu'il fait grand beau en revanche, l'endroit est magnifique.
Les artistes Pierre de Belay (1890-1947) et Jean-Julien Lemordant (1878-1968), peintres talentueux de la Bretagne et de la mer ont su admirablement représenter avec une palette toujours synthétique et très colorée les mouvements de l'océan, du ciel, des nuages, du vent, de la pluie, mais aussi avec harmonie et violence ceux des « capistes », les gens du « bout de la Terre ».
Le Pays Bigouden
Nous piquons plein sud à présent. Une fois encore, le paysage change. Entre la Pointe du Raz et Audierne, port de pêche situé à l'embouchure du Goyen, la côte s'assagit, les hautes falaises deviennent criques sablonneuses, puis plages. Nous sommes toujours dans le Cap Sizun mais plus pour bien longtemps. Une piste panoramique nous entraîne aux abords de la sublime plage de sable blanc aux eaux turquoises de Gwendrez, paradis des surfers. Près de là, le ruisseau qui traverse le minuscule port de Pors-Poulhan enserré dans un goulet de roches marque la « frontière » entre Cap Sizun et Pays Bigouden. Sur la rive sud de Pors-Poulhan, la statue de la Bigoudène de René Quillivic scrute la mer. Le sculpteur est enfant du pays. Sur la rive nord, un amer blanc et rouge marque l'entrée du port qui abrite une flottille de Penn Sardin (« tête de sardine »). Ici c'est « ma Bretagne ». Me considérant maintenant comme Breton d'adoption, j'ai la chance de posséder à quelques kilomètres en terre un penty traditionnel (penn veut dire bout et ty veut dire maison).
Mathurin Méheut (1882-1958) et Emile Simon (1890-1976), passionnés par la pauvreté laborieuse du Pays Bigouden et plus largement par les paysages de Bretagne nous ont laissé une abondante production et un témoignage précis, multiforme et poignant de la vie bretonne environnante.
Nous quittons le haut Pays Bigouden. Par quelques chemins sablonneux nous parvenons à plusieurs reprises à approcher l'immense langue de sable qui se déroule sur plus de vingt kilomètres jusqu'à la Pointe de La Torche, puis à celle de Saint-Guénolé-Penmarc’h dominée par le phare d'Eckmühl. Le port de pêche très animé du Guilvinec mérite qu'on s'y arrête. La côte perd ensuite un peu de son charme, sans doute en raison de la construction des premières villas de la bonne société parisienne, fin XIXe qui ont fait tâche d'huile, le long de la rivière de Pont l’Abbé jusqu'à Loctudy et plus loin sur les rives de l'Odet aux environs de la station balnéaire de Bénodet.
Les Pays de Pont-l'Abbé et de Concarneau
Nous quittons le Pays Bigouden aux environs de Pont-l'Abbé, dès le fleuve côtier l'Odet franchi. Bénodet forme avec La Forêt-Fouesnant ce qu'on a coutume d'appeler aujourd'hui la « Riviera bretonne » où le camaïeu des hortensias rivalise avec les teintes presque tropicale de l'océan.
Direction Concarneau à présent. De très nombreux artistes sont tombés sous le charme de la « conque de Cornouaille ». Autour de la ville close étaient jadis rassemblés tous les motifs pour plaire aux peintres amateurs de pittoresque : un superbe patrimoine architectural, une population active de marins, d’ouvrières et de paysans en costumes traditionnels et une importante flottille.
De l'Aven à la Laïta
Le Finistère regorge de lieux immortalisés par les plus grands peintres venus au « bout du monde » pour croquer ici la nature sauvage et là des lumières si particulières. En flânant, au détour des méandres du fleuve côtier l'Aven on découvre quantité de moulins à marée, de belles demeures, de fontaines-lavoirs et de chapelles dont étaient friands les artistes. Le cours tumultueux des chaos de l'Aven, en aval de la « Cité des peintres » contraste avec la tranquillité du Bois d'Amour situé en amont.
Pont-Aven, mondialement connue, a atteint le sommet de sa célébrité en 1886, très peu de temps avant que l'artiste torturé Paul Gauguin (1848-1903) n'intègre l'École de Pont-Aven dont il deviendra le chef de file en 1888.
Paul Gauguin est considéré comme l'un des peintres français majeurs du XIXe siècle. Il est l'un des plus importants précurseurs de l'art moderne en rupture avec le naturalisme et dans lequel l'œuvre ne prétend plus représenter le réel mais ce qu'en conserve la mémoire. La couleur se libère, le trait devient accessoire. La vision après le sermon (1888), œuvre majeure de Paul Gaugin dans l'histoire de la peinture moderne traduit tout autant cette volonté de saisir l'instant que l'état mental altéré de l'artiste. Et les femmes en coiffes représentées sur ce tableau associent à jamais Paul Gauguin à la Cornouaille Bretonne.
Nous empruntons maintenant quelques beaux chemins creux assombris par un épais couvert végétal afin de nous rendre tout d'abord à Riec-sur-Bélon, la capitale de la célèbre huître plate « la Bélon » puis à Moëlan-sur-Mer, autre terre d'accueil de tant d'artistes. Plus loin nous irons découvrir avec enchantement Doëlan, un village côtier particulièrement pittoresque qui compte parmi les ports les plus typiquement bretons. Il ne faut pas y manquer le retour de la flottille de pêche débarquant sur les quais animés crabes et poissons.
Dans le dernier quart du XIXe siècle, le Pouldu, alors petit village tranquille, voit fondre vers lui un grand nombre d'artistes-peintres, fuyant Pont-Aven et sa foule. C'est là, tout près que notre périple s'achève, à Le Pouldu-Clohars-Carnoët exactement. Cette commune, séparée du Morbihan voisin par le fleuve côtier La Laïta est un concentré de paysages où terre et mer s'entremêlent en toute harmonie.
Une bien belle balade.