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MADAGASCAR

La grande île

GORANDO - Récit de voyage à moto - Madagascar

Je pose pour la première fois les pieds dans un pays que je connais déjà, c'est la magie de Google Earth ®. Lorsque les images satellites sont de bonne qualité, comme c'est le cas pour le sud et l'ouest de l'île de Madagascar, il est alors possible de concevoir assez facilement un raid moto tout-terrain au GPS et sans guide. Certains se diront qu'alors la découverte n'est plus totale, que le parfum d'aventure s'est évaporé, volatilisé. Ils se trompent. Google Earth ® autorise au contraire le dessin et le dosage d'étapes tantôt techniques, tantôt roulantes, permet d'apprécier par avance certaines difficultés, les dénivelés importants, les éventuels franchissements de gués, et d'imaginer alors par prudence des circuits de contournement. Cet outil permet enfin de pointer des lieux d'hébergement, des stations essence, des points de vue…

C'est justement sous un gigantesque arbre à palabres, repéré près du village d'Ampefy situé à 120 kilomètres environ à l'ouest d'Antananarivo que débute notre aventure (19°1'6.02''S – 46°43'26.57''E). Il y a là Jean-Luc, Tony et René, le noyau dur de mes amis enduristes. Nous sommes cependant au total six à rouler et le fils de Tony nous accompagne dans le 4x4 d'assistance, où prend place également un mécanicien moto en plus du chauffeur. Nous roulons sur des 400 XR Honda à gros réservoir, idéales pour un tel périple.

Madagascar, l'île-continent, souvent appelée également l'île rouge en raison de la couleur de son sol de latérite, omniprésente, est l'une des plus grandes îles du monde. Mesurant environ 500 kilomètres d'ouest en est, elle est traversée du nord au sud sur près de 1600 kilomètres par la chaîne des Hautes Terres. Les vents et les pluies venus de l'Océan Indien balayent la côte est, verdoyante, tandis que les paysages de plateaux arides, puis de plaines asséchées caractérisent l'ouest de l'île, jusqu'à venir mourir dans le Canal du Mozambique, face à l'Afrique continentale.

Au sud - notre terrain de jeu pour ce voyage de plus de 4000 kilomètres - nous devrions découvrir un paysage de bush épineux.


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C'est parti !
Antananarive/Ampefy

Seulement 5 kilomètres de piste roulante nous séparent des Chutes de La Lilly (19°1'54.66''S – 46°41'4.55''E). Sur place, nous sommes assaillis par de jeunes malgaches, souriants mais déterminés à nous vendre de petits bouts de roche tendre et sombre, sommairement taillés. Je me laisse tenter par un cœur. Ma collection peut commencer. De chacun de mes périples je rapporte de modestes objets, souvent insolites que, dès mon retour, je fais découvrir à ma famille, mes amis, comme pour prolonger le plaisir qui m'a été offert de pouvoir voyager.

De retour sous l'arbre à palabres, nous nous dirigeons vers Ampefy et les rives du Lac Itasy, tout près, pour une première nuit sur le sol Malgache. Nous aurons parcouru aujourd'hui environ 200 kilomètres.


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Là où le zébu passe, une moto peut passer
Ampefy/Antsirabe

Les choses sérieuses peuvent commencer. Au programme, 220 kilomètres de piste en altitude, sur les Hautes Terres, jusqu'à redescendre vers Antsirabe. Au départ de l'étape, nous faisons un crochet vers l'impressionnant Lac de cratère Tritriva (19°55'44.46''S – 46°55'28.82''E). Nous roulons bon train sur une piste certes ravinée, mais pas trop piégeuse. Au sol, des traces laissées par les charrettes tirées par des zébus puis, tout à coup, dans une légère descente, plus rien. Les attelages ont semble-t-il quitté le chemin pour poursuivre à travers champs. Curieux. Nous continuons néanmoins à progresser, la piste devient encaissée, défoncée, nous descendons de véritables marches de plus d'un mètre de hauteur. Une courbe se dessine, au-delà, la piste a disparu (19°19'23.49''S – 46°49'30.74''E). Elle laisse place à un énorme trou de près de 10 mètres de profondeur. Impossible de faire demi-tour. À gauche, des traces de pas longent la crevasse. Nous sanglons nos machines et, une à une, nous les "tirons-poussons" jusqu'à rejoindre le champ voisin, épuisés, afin de continuer notre chemin. Moralité : Là où le zébu passe, les motos doivent passer. Ce n'est que tard en soirée que nous atteindrons Antsirabe, pour un repos bien mérité. Durant cette journée, sous une chaleur difficilement supportable, j'ai bu huit litres d'eau.


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Le groupe est décimé
Antsirabe/Ambositra

Nous ne sommes que trois au départ de l'étape d'aujourd'hui, longue de 180 kilomètres. Jean-Luc, Tony et moi. René à mal au dos, les deux autres motards, moins expérimentés, préfèrent attendre demain… Tout comme hier, le 4x4 d'assistance devra prendre la route pour rejoindre l'hébergement de ce soir, prévu à Ambositra et, tout comme hier, nous serons livrés à nous même durant toute la journée. Je suis stressé. J'ai prévu la traversée de la rivière Mania, au milieu de l'étape, sans avoir pu clairement identifier un lieu de passage, sans avoir repéré de pont, espérant seulement que ce qui me semblait être un bac serait bien un moyen de franchir le cours d'eau. Mon anxiété ne m'a cependant pas empêché d'apprécier la traversée des hauts plateaux, à près de 2000 mètres d'altitude et ça c'est l'essentiel. Nous nous serions cru dans les estives pyrénéennes. Un peu de fraîcheur, des paysages à couper le souffle.

Ouf ! Justement, je peux le reprendre, mon souffle. Nous arrivons sur la rive de la rivière Mania et mon regard se porte immédiatement sur une solide barge métallique, amarrée en amont d'un ponton qui lui, par contre, semble très dégradé (20°19'48.15''S – 46°54'28.96''E). Sur l'autre rive, déjà, les villageois approchent, des hommes nous font des signes et nous invitent à nous diriger vers le bateau. Un bout de bois en guise de rampe et, très vite, nos trois motos sont embarquées. Plusieurs personnes sont à la manœuvre. À l'aide d'un câble tendu entre les deux côtés de la rivière et un ingénieux système de poulies, nous ne tardons pas à rejoindre l'autre rive. Les motos sont rapidement déchargées. Soulagés, nous reprenons la piste.

Arrivés à Ambositra, le mécanicien moto, voyant nos mines réjouies se précipite vers moi et me dit : "par où êtes-vous passés, je suis d'ici et je ne connais même pas cette piste […] tu me donneras ton road-book ?!".


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La piste de tous les dangers
Ambositra/Ambalavao/Betroka

Le chauffeur de notre véhicule d'assistance nous avait prévenus. La situation politique de Madagascar étant instable et la population vivant dans une extrême pauvreté, plus nous descendrons vers le sud, plus nous devrons être discrets et vigilants. Il ne croyait sans doute pas si bien dire. Effectivement, la nuit passée à Ambalavao sera… agitée !

Entre Ambositra et Ambalavao (320 kilomètres), tantôt à gauche, tantôt à droite de la nationale 7, nous parcourons des pistes roulantes serpentant entre d'immenses rizières et de nombreux élevages de zébus. Dans les cultures, les hommes et les femmes se figent à notre passage, alertés par le bruit de nos machines et dans les prairies les animaux, stoïques, ne semblent nullement impressionnés par la poussière que nous soulevons. Le terrain n'est pas trop technique, nous pouvons lever la tête et nous régaler de ces paysages et des sourires des enfants.

Nous arrivons suffisamment tôt à Ambalavao pour pouvoir flâner dans la ville, grouillante de vie. Nous goûtons au breuvage local, sorte d'alcool de riz au goût… indescriptible. C'est sans doute durant notre sortie en ville que nous aurons été repérés par ceux qui, durant la nuit, viendrons surprendre l'un d'entre nous dans sa chambre d'hôtel. L'établissement est pourtant surveillé par des gardiens armés de sagaies et de machettes. Sans doute étaient-ils trop frêles, ou alors complices... En pleine nuit la porte de la chambre est fracturée à coups de tournevis, des briques sont projetées dans le noir vers le lit. Heureusement, plus de peur que de mal. Les assaillants sont repoussés, emportant avec eux comme maigre butin un gilet pare-pierres. Il ne leur sera pas d'une grande utilité.

Nous ne prenons la route nationale 7 que tard en matinée afin de rejoindre Ihosy dans le Massif d'Ifandana pour, de là, piquer droit vers le sud en direction de Betroka (290 kilomètres). Nous dormirons à l'hôtel restaurant Chez Tantine (23°16'0.79''S – 46°5'43.14''E). Arrivés sur place, nous garons nos motos à l'arrière de l'établissement, tout près d'un égout à ciel ouvert, juste sous un fil à linge où sèchent, au soleil, des boyaux de… mystère. Dans des chambres exigües les lits jumeaux surplombent le bac à douche, rendant impossible son utilisation. De toutes les façons, il n'y a pas d'eau au robinet. Nous écartons les lits, demandons que nous soit apportée de l'eau dans des seaux et la toilette peut commencer. Que du bonheur. Il est vrai que nous n'accordons que très peu d'importance à la qualité des lieux d'hébergement et préférons très nettement privilégier la qualité du roulage. Nous sommes servis.


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Direction plein sud
Betroka/Ambovombe

Près de 400 kilomètres à parcourir. La piste est large et les saignées peu nombreuses, ce qui les rend d'autant plus dangereuses. Le 4x4 d'assistance roule à nos côtés, nous sommes tous concentrés sur notre conduite. Nous décidons de faire un arrêt pour déjeuner à mi-parcours, à Beraketa exactement. Notre mécanicien, habitué à vérifier régulièrement l'état de nos machines décèle assez rapidement un bruit suspect sur l'une des motos. Un ressort de soupape a cédé. Il opte pour une réparation immédiate. Avec une étonnante dextérité il parvient à réduire le ressort cassé, à le tordre pour enfin le remettre en place. Jean-Luc, Tony et René n'aurons eu que peu de temps pour faire la sieste, allongés près d'un nourrisson sur une natte posée à même le sol dans la salle du restaurant tandis que moi je ne cesse de m'asperger d'eau pour me rafraîchir. Il fait une chaleur torride, il n'y a pas un souffle d'air.

En fin de journée nous parvenons à Ambovombe, comme prévu. Dans ma chambre d'hôtel, sur la table de nuit, une bible et une boîte de trois préservatifs Protector plus de fabrication malgache. Normal.


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Je veux voir la mer !
Ambovombe/Fort Dauphin

Une étape de 180 kilomètres absolument magnifique. L'objectif initial était de faire Ambovombe-Fort Dauphin aller retour dans la même journée. Irréalisable. Nous dormirons à Fort Dauphin ce soir. À la sortie d'Ambovombe, après n'avoir parcouru que quelques kilomètres, nous quittons la piste principale au profit d'une piste sablonneuse étroite, très étroite. Le sable est mou, nous devons mettre du gaz pour déjauger tel un bateau sur le clapot pour guider plus facilement la moto. Le problème, c'est qu'à gauche comme à droite défilent d'agressifs cactus palmes et qu'il n'est pas question de s'y frotter. Une extraordinaire séance de roulage. Bientôt nous traversons d'immenses cultures de sisal, une plante tout aussi piquante que le cactus et qu'il faut, là aussi éviter.

Oups ! J'ai oublié à l'hôtel le seul pantalon "civil" que j'avais dans mes bagages. Pas grave, je le retrouverai à notre retour à Ambovombe.

Nous enjambons la rivière Mandrave et je me fais là une grosse frayeur. Une plaque métallique du tablier a disparue. Alors que je suis un taxi-brousse d'un peu trop près, j'évite de justesse un trou assez grand pour y passer ma moto. Puis nous nous dirigeons toujours plus au sud et atteignons une zone de marais asséchés, autour du Lac Anony avant de découvrir, au détour d'une haie… l'Océan Indien ! Magique (25°11'12.47''S – 46°37'43.44''E). L'eau bleue turquoise, le sable blanc, le cabanon de pêcheurs, les pirogues à balancier, tout y est, une vraie vision de carte postale. Après une longue pause nous reprenons la piste pour atteindre Fort Dauphin en soirée.


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Run sur la plage
Fort Dauphin/Lavanono

Fort Dauphin est une grosse ville entièrement tournée vers la mer, située à l'extrême sud-est de l'île, là où le massif rocheux qui traverse le pays plonge dans l'Océan Indien. Le port marchand et le port de pêche ne sont que peu protégés des forts coups de vents venus de l'est et des paquets de mer se fracassent sur la côte. Au sud-ouest de la pointe rocheuse où se concentrent les hôtels et les maisons cossues se trouve la plage de Libanona (25°2'18.45''S – 46°59'43.40''E). Les courants y sont forts et la baignade hasardeuse.

C'est dans l'hôtel que nous occupons que, pour la première fois depuis notre départ il m'est possible d'adresser un e-mail à mes proches. Je rédige mon message assis sur le lit du propriétaire, paralysé, qui ne peut quitter sa chambre. C'est son bureau. Il m'a confié son PC.

Nous ne nous attarderons pas à Fort Dauphin et décidons de rejoindre Ambovombe par la route goudronnée (140 kilomètres). Le roulage sur cette route s'avère tout aussi technique que sur les pistes. Elle est minée d'énormes trous que les attelages contournent par les bas-côtés qui, rapidement se transforment en piste principale parfois sur plusieurs centaines de mètres. L'extrême pauvreté des lieux y est palpable, les constructions datant de la période coloniale sont totalement laissées à l'abandon.

Je suis bien décidé à retrouver mon pantalon laissé à l'hôtel hier ! Je me vois mal revenir en France en pantalon enduro poussiéreux et chaussures de ville… Sur place, on m'informe qu'il a été troqué déjà à deux reprises mais qu'il me sera rendu. Nous patientons près de deux heures au bar et, effectivement, mon pantalon m'est restitué. J'improvise un troc afin de dédommager l'homme qui vient de me rendre mon vêtement, tout le monde est satisfait.

Les 120 kilomètres qui nous séparent encore de Lavanono pourraient bien nous réserver quelques surprises. Le 4x4 d'assistance poursuivra sa route maintenant de son côté car j'ai en effet prévu d'emmener le groupe faire un run de plusieurs dizaines de kilomètres sur la plage. J'ai trouvé assez facilement sur Google Earth ® un "point d'entrée" mais, en ce qui concerne le "point de sortie"… c'est plus aléatoire. Cap au sud-ouest. Après seulement une petite heure de piste nous voici donc arrivés au "point d'entrée". Surprise ! Nous devons descendre une dune de sable mou d'environ 30 mètres , à pic, pour pouvoir rejoindre l'étroite bande de sable qui longe l'océan. Je me retourne vers mes amis et leur dis : "Si nous descendons là, nous ne pourrons pas remonter !". Où est le problème ? Go ! (25°18'21.54''S – 45°59'38.93''E).

Jean-luc nous gratifie d'un magnifique soleil par l'avant de sa machine pour enfin, comme nous, atteindre péniblement le rivage. Ensuite, ce n'est que du bonheur. Nous surfons, tantôt dans le sable humide et porteur, tantôt dans le sable mou, parfois même sur la roche affleurante, toujours à bonne vitesse sur près de 40 kilomètres. Le ciel est chargé, la visibilité moyenne, ce n'est que tardivement que je parviens à discerner au loin le "point de sortie" qui s'affiche pourtant sur mon GPS. Ouf ! il est praticable. Un troupeau de zébus est planté là, sur la plage. Un puits d'eau douce a été creusé ici, à quelques mètres du rivage. De nombreux habitants du petit village de Betanty, tout proche, y viennent puiser de l'eau (25°34'8.54''S – 45°31'54.26''E). C'est l'heure du déjeuner. Une femme du village qui n'est pourtant pas restauratrice se propose de nous préparer un plat de poissons (Capitaine, Dorade) avec de petits légumes. Déjeuner royal dans une cabane, sur la plage, avec vue sur la barrière de corail. Petit bain digestif, petite sieste et, déjà, il est temps de repartir. Nous atteindrons Lavanono, charmant village côtier, en fin de journée.


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Le bush épineux
Lavanono/Itampolo

Il est 6h30. Je suis réveillé par un jardinier qui ratisse inlassablement les allées qui serpentent entre nos bungalows. Dans un très bon français il m'interpelle. Il a besoin de parler. Nous sommes les seuls clients de l'hôtel décrépis et peu de baroudeurs viennent ici. Très vite la conversation s'oriente vers l'évocation des rites et des coutumes malgaches (l'origine des tombes Mahafaty, la cérémonie du retournement des morts, la transmission de l'héritage familial), il me parle et se désespère également du dénuement total de la population […]. Un homme passionnant.

Au programme aujourd'hui, 300 kilomètres de pistes plutôt roulantes en direction du nord. Le 4x4 roule sur nos traces, un arrêt est prévu à Ampanihy pour le ravitaillement en essence de nos motos. Celle-ci se négocie et s'achète au jerrican, le stock est limité, tout le village est là pour assister à la scène.

Dans le bush épineux que nous traversons maintenant nous apercevons furtivement quelques lémuriens. Plus loin nous croisons une famille de paysans hors du temps au niveau de laquelle nous faisons une halte. Dans un seau l'un d'entre eux nous montre les termites et les grosses larves d'insectes qui seront au menu ce soir. Miam !

Nous sommes retardés par une crevaison sur la moto de Jean-Luc. Malgré tout le petit village d'Itampolo est atteint relativement tôt en soirée.


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Le fesh fesh coquillé
Itampolo/Beheloka

Le masque enduro fortement teinté que j'ai sur le visage - même s'il me préserve correctement de la forte luminosité reflétée par la piste - ne suffit pas à me protéger de l'éblouissement des paysages. Nous en prenons plein les yeux. Nous roulons sur un chemin côtier, sorte d'épais tapis de "fesh fesh coquillé" qui souvent vient lécher l'océan et qui nous contraint à toujours conserver une bonne vitesse pour progresser sans trop de fatigue. Les arrêts se multiplient donc et les cartes mémoires de nos appareils photos sont vite saturées.

Nous arrivons à Beheloka en milieu d'après-midi après n'avoir parcouru que 160 kilomètres à une "altitude" maximum de 10 mètres au-dessus du niveau de l'océan. Dans le village, nous sommes invités par le maître d'école à visiter tout d'abord l'église construite en bois et feuilles de palmes. Une jante de voiture en guise de cloche est suspendue à un portique. Puis nous passons près de l'épicerie à l'extérieur de laquelle sèchent au soleil des poissons "déboyautés". Enfin nous nous dirigeons vers l'arbre-liane. Les sages s'y rassemblent pour prendre les décisions importantes pour la communauté. Tout comme le jardinier que j'ai rencontré la veille, l'instituteur est désespéré. L'école en dur financée par une ONG qui lui a été promise ne sera jamais achevée. Sa construction est pourtant bien engagée mais des sacs de ciment ont été détournés et ne sont pas parvenus jusqu'ici.

Le coucher de soleil sur le Canal du Mozambique est superbe. Au loin, nous apercevons même des baleines.


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Régate en Baie de Saint-Augustin
Beheloka/Tuléar

Une fois encore notre véhicule d'assistance va faire route à part. Le pont qui enjambe la rivière Onilahy est loin, dans les terres, et 270 kilomètres doivent être parcourus par le 4x4 pour rejoindre Tuléar. De notre côté nous espérons pouvoir traverser sans encombre la Baie de Saint-Augustin, un bras de mer large d'environ 5 kilomètres et atteindre la ville en moins de 100 kilomètres (23°33'52.45''S – 43°44'3.94''E). Ce n'est pas gagné. Si nous échouons nous devrons nous aussi faire cette grande boucle.

Nous partons de bon matin et arrivons au petit port de pêche de Soalara dès 9 heures. Nous nous approchons de deux grosses pirogues à voile et balancier et, très vite, les équipages se présentent à nous. Top là ! Le prix de la traversée est fixé. J'embarquerai finalement avec René dans un bateau à moteur. Le vent est faible, nous sommes ainsi sûrs d'atteindre l'autre rive avant les embarcations à voile pour faire de belles photos. Le moteur ratatouille, cale même à mi-parcours. La navigation aura duré plus d'une heure. Les deux pirogues à balancier improvisent une régate, Tony et Jean-Luc se mettent au rappel, au vent sur le flotteur. Après un débarquement un peu sportif nous reprenons la piste. 40 kilomètres restent à faire. À l'entrée de Tuléar nous sommes arrêtés par un policier zélé qui inflige à Tony une amende. Il n'a pas sur lui les papiers de la moto, restés dans le 4x4.


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Le baobab millénaire
Tuléar/Morombe

240 kilomètres de pur bonheur. Nous quittons Tuléar, direction plein nord par la côte. Nous prenons énormément de plaisir à rouler sur cette piste, au raz de l'eau, qui relie entre eux de nombreux villages de pêcheurs. Ifaty, Andrevo, Manombo, Tsifora, autant de noms qui sonnent bien "coquillages et crustacés, baobabs et sable chaud". Nous nous arrêtons à Salary pour le déjeuner (22°34'44.43''S – 43°17'20.76''E). Au centre du village se trouve une sorte de kiosque en bois, des tables, des bancs. Un tronc d'arbre sert de billot pour vider le poisson. Accrochés aux poteaux qui supportent le toit de feuillage, de petits panneaux nous indiquent autant de menus différents. Surprenant. Nous pointons du doigt certains d'entre eux et, très vite, plusieurs pêcheurs-restaurateurs se présentent. Nous venons de découvrir la "salle de restaurant communautaire".

Un bon bain, une bonne sieste. Il est 15 heures lorsque nous reprenons la piste. Au-delà d'Ambohitsabo elle s'éloigne du rivage. Nous retrouvons un paysage de bush et c'est là que nous voyons le premier baobab. Il s'agit d'un baobab bouteille, trapu, caractéristique de la région. Nous nous arrêtons plus loin au pied cette fois du plus vieux baobab de l'île, impressionnant et sans doute millénaire (22°5'54.37''S – 43°16'58.77''E). Nous atteindrons la ville de Morombe en fin d'après-midi.


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Seul au milieu de nulle part
Morombe/Belo

Après un ravitaillement en essence à Ambahikily, sur la large piste qui relie Morombe à Tuléar, nous nous dirigeons vers le bac de Bevoay qui doit nous permettre de traverser la rivière Mangoky, sombre et chargée de sédiments (21°50'9.55''S – 43°52'17.49''E). Le bac métallique est bien là… mais il n'y a plus d'essence pour le moteur. Après d'interminables tractations nous sommes finalement contraints de siphonner nos réservoirs pour alimenter la barge. Les amarres sont larguées, la traversée peut commencer. Les cris d'innombrables enfants se font alors entendre. Ils courent dans l'eau jusqu'aux genoux et nous accompagnent jusqu'à l'autre rive. Nous nous apercevons alors que nous aurions pu traverser à moto !

Nous atteignons Manja aux environs de midi. Notre mécanicien et notre chauffeur nous ayant indiqué que l'endroit n'était pas sûr pour y passer la nuit, nous choisissons de rouler jusqu'à Belo. L'étape sera longue : 300 kilomètres . À la sortie de Manja nous prenons plein gaz sur… une mauvaise piste. Je stoppe la moto, consulte mon GPS et ne voyant pas revenir le groupe noyé dans un énorme nuage de poussière je décide de faire demi-tour pour retrouver le bon embranchement. Je vais rouler seul sur près de 150 kilomètres. Dans ces conditions le paysage devient vite sinistre, d'autant plus que d'innombrables pistes se croisent dans tous les sens. Je slalome entre de gigantesques termitières, le sol est par endroits calciné, crevassé… il n'est pas question de tomber en panne et encore moins de se faire mal. Lors de la traversée d'un gué ma moto prend l'eau. Elle gargouille, pétarade, mais ne cale pas (21°9'47.48''S – 44°16'32.88''E). C'est à ce moment là que je rattrape Jean-Luc qui, finalement avait pris jusque là un chemin parallèle. Il s'était arrêté pour vérifier l'affichage de son GPS, ne voyant pas de trace de moto devant lui. Nous ne nous quitterons plus jusqu'à l'arrivée.


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Les crocodiles de la mangrove
Belo/Morondava

Une étape longue de 100 kilomètres. Aujourd'hui encore le groupe va se disperser. Nous traversons des paysages de mangrove plus ou moins asséchée et, à force d'éviter chacun de son côté les zones "spongieuses", les trous, les bosquets, nous finissons par nous éloigner les uns des autres. C'est ainsi qu'au moment de traverser la rivière Maharivo située 40 kilomètres au sud de Morondava je ne retrouve à ce point de passage que René (20°28'49.21''S – 44°10'57.90''E). Cette fois, pas de bac. Nous traversons à moto. Des villageois nous informerons sur l'autre rive que la rivière est, plus tôt en saison, infestée de crocodiles. Glurps !

Morondava n'est pas une très belle ville, pas grand-chose à voir alors pour moi à l'hôtel ce soir c'est la corvée de lessive. Je frotte, je lave, je rince et crac ! le lavabo cède ! Vivement demain…


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Les baobabs amoureux, les motards heureux
Morondava/Miandrivazo/Antsirabe/Antananarive

680 kilomètres . Au nord-est de Morondava, à environ 30 kilomètres , se trouve la fameuse Allée des Baobabs, incontournable. Donc, nous y allons (20°14'59.43''S – 44°25'10.36''E). Effectivement, de bon matin le site est magnifique. Nous n'irons cependant pas jusqu'aux Baobabs Amoureux, pourtant tout proches (20°12'41.63''S – 44°23'59.98''E). Jean-Luc a crevé une nouvelle fois. Il est déjà tard, nous faisons route après avoir réparé vers Malaimbandy. C'est là que nous allons apprendre qu'un violent orage s'est abattu dans les Hautes Terres. Les pistes situées en altitude sont impraticables. Mauvaise journée. Nous devons rentrer à Antananarive par le goudron. Beurk ! Dans notre esprit, c'est déjà la fin du raid, même si les paysages restent magnifiques sur le chemin du retour.

Après une nuit passée à Miandrivazo nous poursuivons notre route jusqu'à Antsirabe où nous dormons pour la seconde fois avant de reprendre pour notre ultime étape la Nationale 7 qui nous ramène à Antananarive.

Un bien beau voyage.

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